La fraternité de Titicachi

 

 

texte de Francis

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Francisco            Max

 

« C’est en 1973 que le responsable régional donna le "feu vert" à Francisco pour chercher une possible "insertion" en vue d'une fraternité au milieu des indigènes andins en Bolivie, vers des populations paysannes quechuas, qui continuaient à vivre dans la campagne selon leur culture ancestrale. Par la suite, en septembre 1974, Max arriva en Bolivie. Bien rapidement en accord avec l’évêque, il fut décidé de commencer une insertion dans le village de Titicachi, dans une province située dans la Cordillère Orientale au nord du lac Titicaca, à quelques 280 kilomètres de la ville de La Paz. Un prêtre ami, qui connaissait cette région, conduisit les deux frères à Titicachi le 1er octobre 1974.

Pendant les cinq premières années, l’occupation principale a été de se faire accepter, de trouver une petite maison, d’apprendre la langue, de découvrir la culture indigène andine, de partager la vie des gens: un peu par le travail, surtout en participant aux évènements de la vie du village, en cherchant à connaître les gens et en visitant les familles. Petit à petit, se sont manifestées de la part des gens certaines expectatives, plus particulièrement dans le domaine de la santé et de la religion. C’est pour cela qu’on a commencé à avoir une petite pièce pour soigner les malades, qu’on a réuni une fois par semaine les gens pour une réunion de prière  et de catéchèse dans le village et dans quelques autres des alentours. Très vite les frères se sont préoccupés de la situation très opprimée de la femme et d’une possible amélioration de l’agriculture. Pour cela trois volontaires arrivèrent d’Europe: une pour la santé et deux pour la promotion de la femme.

Pendant une autre période de six ans (1979-1986), s’intensifièrent des activités pour la santé et la promotion de la femme, pour améliorer les conditions de vie au plan économique (avec essai de coopératives) et pour commencer un processus plus soutenu de catéchèse et un début de sacramentalisation. Avec Max, ordonnée prêtre en 1982, il y eut Mario, puis Miguel.

titicachi3Depuis le début de l'implantation de la fraternité, les métis des gros villages de la région exerçaient leur animosité et leurs calomnies contre ces "gringos" qui venaient enseigner les "indiens". Sous leurs instigations et dans le cadre d’une série de coups d’états militaires qui persécutèrent l’Église établie au milieu des pauvres, Max, Mario et l’une des missionnaires laïques furent emprisonnés à cette époque. Grâce à Dieu, cela ne fut que pendant quelques jours et sans autres dommages que la peur et l’angoisse.

 

A partir de 1986, Max et Francisco reprirent le chemin ensemble,[1] toujours accompagnés par les trois missionnaires laïques. L’attente des gens se manifesta alors plus fortement au niveau de l’éducation pour une amélioration de l'école. De même des demandes venaient d’autres secteurs sollicitant une prise en charge pastorale. C’est alors que la fraternité accepta d’augmenter considérablement son rayon d’action (quelques 20 à 25 villages pour chaque frère) et de prendre en conséquence des moyens qui s’avéraient nécessaires: jeep, matériels didactiques, constructions d’infrastructures avec leur équipement.

Quatre grands domaines retinrent les efforts: la promotion de la femme, la santé, l’éducation formelle, la pastorale-catéchèse. Durant 10 ans collaborent avec les frères des religieuses missionnaires Aymaras (1985-1995). En 1989, se joint Patricio. On peut dire que chaque frère était alors responsable d’une grande paroisse de mission avec tout ce que cela comporte de prise en charge: catéchèse, pastorale pour la préparation des sacrements de baptême, première communion, confirmation, mariage, groupes d’enfants, d’adolescents, de jeunes, de foyer, formation soutenue de catéchistes et d’animateurs (hommes et femmes), visites et missions populaires dans les villages. Tout cela était envisagé dans une perspective libératrice et inculturée.

Max s’est engagé avec décision et réalisme pour le développement de l’éducation à Titicachi et dans la quinzaine de villages des alentours. Les gens firent pression pour qu’il y ait dans la région un collège, et pour que soit aussi créée une école alternative pour adulte, école technique et "humanistique" qui aboutisse aussi au "baccalauréat". Toute cette période de 1989 à 1999 avec trois frères en activité fut marquée par un travail intense pour répondre aux besoins et pour résoudre bien des difficultés: celles propres aux pays du Tiers Monde, à la lenteur des processus, à la résistance aux changements et à l’animosité des métis des deux gros bourgs comme des autorités administratives. A cette époque vinrent collaborer deux laïques consacrées de l’Institution Thérésienne (elles continuent pour l’éducation aujourd’hui), et aussi d’autres volontaires laïques venus d’Europe.

Depuis 1999, Max et Francisco se retrouvent à deux, Patricio étant allé à Cochabamba pour fonder une nouvelle fraternité. Les trois laïques missionnaires continuent pour la santé et la promotion de la femme. Les deux Thérésiennes, boliviennes, continuent aussi pour l’éducation. Dans les différents centres installés pour l’animation pastorale, des catéchistes et des animateurs (hommes et femmes) quechuas ou aymaras collaborent de façon permanente ou occasionnelle… Depuis 2003, la question d’une relève ou de la prise en charge par d’autres de l’un ou l’autre secteur s’impose chaque fois plus. Cette question est difficile, à la fois pour trouver les personnes indiquées, et en même temps parce qu’elle implique, graduellement, des changements d’activités et de perspectives. »

 

Les réalisations tant pastorales que de promotion humaine dans toute la zone couverte par les frères sont impressionnantes. Chaque frère a vraiment contribué au développement pastoral, social, économique de la zone. Cette région a beaucoup changé pendant ces 30 ans de présence de la fraternité et cela en grande partie grâce à la présence  et à l’action des frères. Les frères se sont divisés la région en secteurs d’activités pour des raisons de commodité (distances) et d’efficacité. Des facteurs autres ont aussi contribué à un développement séparé de chaque secteur: éloignement des populations, accessibilité difficile des communautés, ethnies différentes, méthodes pastorales différentes ainsi que les critères de promotion humaine (le secteur pris en charge par Max est Quechua:Titicachi - le secteur pris en charge par Francis est Aymara: Chuma et Ayata).

titicachi2Cela fait 31 ans que Francis et Max vivent et travaillent dans la région de Titicachi. Bientôt Francis va atteindre 70 ans, et depuis deux ans il fait face à quelques ennuis de santé (il a perdu un œil). Les conditions de vie et de travail ne sont pas faciles. A cause de cela et de la vie communautaire qui est devenue éprouvante, nous avons pensé bon que Francis quitte la fraternité de Titicachi et son secteur pastoral de Chuma. Il irait vivre dans la ville de "El Alto" (ville de 600.000 habitants, tout proche de La Paz) dont la majorité des gens est Aymaras comme ceux avec lesquels il s’est engagé depuis si longtemps à Chuma. El Alto est le siège du nouveau diocèse dont fait partie la zone de Titicachi: l’évêque l’accueille et compte sur son appui pour divers engagements. En ses trente années de vie à Titicachi, Francis a amassé une très grande connaissance de la culture "andine" et a travaillé beaucoup à inculturer l’enseignement de la foi. Max va continuer seul à Titicachi pour le moment, aidé par un nouveau prêtre que l’évêque vient d’envoyer dans le secteur.

 

[1] Francis a été absent de Titicachi de 1979 à 1985. Il avait été élu prieur au chapitre de 1979.