Diaire de Chapulco ( Mexique ) (Paco , Mario ) de Paco : Chapulco, octobre 2005 Cette année, notre fraternité de Chapulco accomplit 15 ans de présence dans ce quartier de la périphérie de Puebla. Je crois que ces 15 ans retiennent l'attention non seulement pour ce qu'elles représentent d'efforts de fidélité, de durée, mais aussi parce qu'elles n'ont pas été des années faciles et qu'elles ont demandé à tous ceux qui les ont vécues un engagement et une générosité pas toujours perçus de l'intérieur ou de l'extérieur. Plus d'une fois nous avons été sur le point de laisser et de chercher un autre endroit; néanmoins chaque fois nous avons résisté et nous avons continué à cheminer avec nos voisins… L'amour et la solidarité ne naissent pas seulement de la volonté de se donner, elles demandent la durée. "Durer" prend sa signification dans une vision de l'invisible, dans un sentir du cœur plus que de la tête, dans une valorisation des petites choses : elles paraissent insignifiantes vues de l'extérieur; vues de l'intérieur elles prennent une valeur qui est celle de la vie : pour le Seigneur, rien n'est petit ! Je ne sais pas si ce que nous apportons avec nos présences ici est important; mais je sais que nous sommes arrivés à faire partie de la vie de certains, en participant à leurs joies et à leurs drames. Dans ces vies, d'une façon adroite ou maladroite, nous avons essayé de faire briller quelque chose de l'Amour du Seigneur à qui nous avons nous-mêmes donné notre être. Dieu seul sait combien nous allons durer à Chapulco. Nous sommes tous les deux, Mario et moi, conscients de nos limites d'âge et de santé avec tous les problèmes d'une vieillesse qui approche... Continuer cette histoire nous fait marcher non au hasard des évènements, mais avec un désir de fidélité. Une histoire de fidélité qui nous fait vivre, qui nous fait expérimenter qu'en donnant nous recevons beaucoup plus. Une histoire qui arrive à toucher le cœur des gens qui apprécient beaucoup cette durée, ce cheminement à leur coté, loin des "promotions", des "grandeurs", des "sécurités"... De ma génération, nous sommes entrés à la Fraternité avec la volonté de "passer les frontières", de parcourir des chemins inconnus, d'être "héros". Je ne crois pas qu'un tel esprit était erroné ; au contraire, je rends grâce à Dieu d'avoir pu vivre ce moment, et que d'autres frères aient voulu le vivre comme moi. Sans cette poussée, sans ce "stimulus", nous n'aurions pas découvert la valeur de l'incarnation, du "vivre avec les gens" (désirant partager leurs vies, porter dans la prière leur réalité, durer à leur coté). Maintenant, découvrant de manière plus réaliste nos limites, nous faisons partie de ces pauvres qui n'ont rien de plus à offrir que leurs mains vides. Au coté des gens qui s'accrochent à ces mains vides pour rencontrer un peu de force, et qui parfois la trouvent (même si elle est fragile), je me dis que ça vaut la peine de parier sur la durée, sur une présence entêtée et solidaire, de la même façon qu'au début j'avais opté pour l'héroïsme et la sainteté.
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