Diaire de Paris ( France ) - de Daniel:Octobre 2006 D’abord, pourquoi est-ce que je me trouve seul au sixième étage dans un joli petit studio en plein centre de Paris? En fait, de retour de Sardaigne[1] en 1983, nous cherchions une implantation sur Paris. Edouard à ce moment était à Bruxelles et avait donc quitté sa petite chambre qui avait servi de refuge à quelques frères étudiants. Certes, je connaissais bien Paris et y avait beaucoup de connaissances. Ma famille est de Paris et des alentours proches. J’ai donc déménagé plusieurs fois comme un émigré allant d’amis en amis jusqu’à ce que j’apprenne qu’au 6ème étage de l’immeuble où je travaillais comme porteur de P.P. (pierres précieuses) une grand-mère était décédée, et donc laissait vacante une petite "chambre de bonne" (selon l’appellation parisienne). Comme le propriétaire était le même que celui du local de mon employeur, un brave juif a intercédé en ma faveur, et trois mois plus tard je pouvais enfin poser ma valise dans un petit espace très rudimentaire sous les toits de Paris, avec un loyer extrêmement bas. Puis, Edouard est revenu sur Paris, et nous avons trouvé l’appartement de la rue Jeanne d’Arc en lien avec le diocèse de Paris. J’ai quand même gardé la "rue aux Ours"[2] avec ses 6 étages sans ascenseur et son petit loyer... Beaucoup de mes amis en transit ont été très heureux de trouver cet espace en attendant de trouver mieux. Il faut dire que cette pièce se situe en plein cœur de Paris, et donc est très accessible par tous les moyens de transport. Il y a 5 ans, mon propriétaire est venu moderniser ma chambre, m’en allouant deux autres sans augmentation de loyer. Il me confiait simplement la finition pour laquelle il ne se sentait pas doué. Il faut dire que tout l’immeuble lui appartient, qu’il sait que je suis prêtre, qu’il est vaguement chrétien et que d’autre part il loue, sur deux étages au rez-de-chaussée et 1er étage, un immense local qui est le lieu de la plus grande boîte "gay" de Paris. Ce qui doit compenser largement mon petit loyer… Peut-être même que plus ou moins consciemment en me louant, il veut dire au Seigneur: "Quand même, j’ai donné plus qu’un verre d’eau!" Depuis trois ans un ascenseur a enfin été mis en place, et parvient jusqu’à mon palier, et donc garantit les efforts de ma vieillesse! * Au centre de Paris, dès mon arrivée en 1983 je me suis mis en relation avec la paroisse St Leu dont je vois les toits de l’église depuis ma fenêtre. Elle est de l’autre côté de la rue. C’est là que j’ai travaillé avec l’association "Aux captifs la libération". L’église St Leu donne sur la rue St Denis, lieu de prostitution de drogue et de "sex shops". C’est aussi le lieu d’un grand groupe de prière charismatique. C’est parce qu’il se disait parfois des choses étranges dans ce groupe que nous avons décidé, l’équipe de base et moi-même, de mettre l’accent sur la Parole de Dieu, et donc de donner des cours de Bible. Je continue encore à ce jour, changeant de thème chaque année. Cela fait environ 20 ans que cela dure. C’est pour moi l’occasion extraordinaire de travailler sérieusement la Parole de Dieu et d’apprendre beaucoup. Par le fait même, j’ai découvert la grande richesse de la tradition juive mise de coté par notre Eglise. Quand je peux, c’est avec cette tradition que je commente la Thora. * Mais revenons à nos moutons. Je suis donc resté à cheval entre Clichy et la "rue aux Ours", partageant la semaine entre ces deux lieux en fonction de mes activités. Quand Edouard est décédé en avril 2005, s’est reposée la question du lieu de la fraternité, sachant que nous n’avions plus les ressources financières pour garder l'appartement de la fraternité de Clichy, car le loyer était très élevé. La question m’a été posée de rejoindre les frères de Villeneuve. Nous avons décidé que je reste à Paris faisant partie de la fraternité de Villeneuve, que j’essaie de visiter le plus souvent possible et réciproquement. La "rue aux Ours" est aussi pour moi et pour beaucoup un espace très discret proche de la paroisse où nombre de personnes viennent dire leurs misères ou tout simplement partager un repas. C’est pour cela que je tiens à ce que ce lieu soit beau et accueillant. Avec le début de ce mois, j’entre dans ma dernière année de travail salarié dans l’association d’aides à domicile, où je travaille depuis 16 ans. J’aurai 65 ans en septembre 2007. Je ne suis jamais resté aussi longtemps chez un employeur! Seize années où de nombreuses amitiés se sont nouées, où des échanges très profonds ont eu lieu. Il faut beaucoup de temps et de confiance réciproque pour que les situations familiales et certains actes du passé se révèlent. Comme je fais ma tournée en vélo, ma caisse à outils sur le porte bagages, il m’est très facile de m’arrêter en croisant l’un ou l’autre des clients, ou des "aides à domicile" qui me disent que chez Mme Untel il faut intervenir forcément de toute urgence! Seize années où j’ai fait beaucoup de bricolage chez les personnes âgées de Clichy, parfois retournant systématiquement chaque semaine pour pallier aux nouvelles avaries. J’ai appris à installer les ficelles de tringles à rideaux et à faire le laveur de vitres. Je me souviens qu'une fois, lavant les vitres chez une grand-mère, celle-ci reçoit un téléphone de sa fille. Elle lui dit: "Rappelle-moi plus tard, j’ai mon laveur de vitres". Je me suis dit: "Mon petit Daniel, tu avales cela, et tu restes tranquille au cas où tu croirais être plus que cela". J’ai dû mettre le bras jusqu’au coude dans les toilettes pour faire le déboucheur. J’ai remonté pas mal de portes de placards tombées "toutes seules"... Oui, ce fut très éclectique, et chaque jour a apporté son lot de nouveautés. Un long temps pour connaître beaucoup de familles, où même certaines familles juives me considèrent comme le messie, trouvant presque toujours une solution à ce qui semblait irréparable. 16 ans aussi où j’ai vu la maladie de Elzheimer faire des ravages auprès de nombre de personnes que j’ai vu petit à petit sombrer dans la démence. Ceci m’a beaucoup marqué, pensant bien sûr à mon avenir et celui de mes amis. De plus en plus me sont confiées des tâches de gros nettoyage. Malgré les ravalements de façade, de nombreuses personnes vivent dans des conditions déplorables. Bien souvent, si j’avais un chien, je ne lui permettrais pas de se coucher dans certains lits tant ils sont sales. Je fais donc du dégrossissage avant que n’intervienne l’aide à domicile qui s’enfuirait sans cela à la vue du chantier. |
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