"Méfiance" envers "les curés postulants"
Après quelques mois de stage à Buenos Aires dans la fraternité de La Boca, Mauricio envoie sa demande pour prononcer ses vœux.
Témoignage de Chiche
Ordonné prêtre en décembre 1968, j'avais connu la Fraternité par les retraites d'Arturo, la lecture des écrits du Frère Charles et "Au Cœur des Masses" du père Voillaume. J'avais en outre bien connu Nelio pour avoir été son compagnon de séminaire et je connaissais son cheminement dans la Fraternité. Après avoir passé quatre ans dans une paroisse et un an comme responsable diocésain des Jeunes, je me sentais attiré par une vie évangélique plus radicale. Cela faisait déjà quelques années qu'avait commencé un grand courant d'engagement social, vu comme exigence fondamentale de la foi chrétienne. A Suriyaco, je fus accueilli et conseillé par Julio et j'ai senti qu'il y avait un peu de "méfiance" en ce qui concernait "les curés postulants". J'ai accepté le défi et, selon le conseil qui me fut donné, je terminais mon voyage "d'exploration" à Fortin Olmos, où je fus reçu par Mario et Enrique. Je commençais à travailler dans une fabrique de blocs de ciment pour la construction, et l'expérience fut très riche pour moi. L'exemple de la vie des Frères me marqua profondément…
Pourtant cette expérience de Rosario ne dura que peu de temps et Chiche et Mauricio retournèrent à la Rioja pour la réunion régionale de fin 1972.
Là, fut décidé que Mauricio irait pour un temps à Fortin Olmos avec Mario.
A Fortin Olmos, Mauricio eut la responsabilité de la camionnette du Syndicat, un véhicule communautaire dont il était le chauffeur et "l'administrateur". Au début, Patricio Rice l'aida dans ce travail, jusqu'à ce que, après quelques mois, Mauricio décide de réaliser ce dont il rêvait : s'insérer parmi les "balayeurs de rue" de Buenos Aires.
Malgré les obstacles qu'il rencontre, on sent combien Mauricio s'appuie sur la Fraternité pour continuer sa recherche. En lisant cette page de notre frère Arturo, on devine toute l'influence qu'il a pu avoir sur Mauricio qui opte pour être l'ami de tous.
A El Abiodh, pendant mon noviciat en Algérie, j'ai trouvé l'amitié. A un moment où Dieu me demandait de couper tout ce qui avait été intéressant dans ma vie, et où il me faisait plonger dans cette solitude du désert, il me donnait une main chaude, fraternelle, forte, par tous les frères qui étaient présents physiquement ou qui se faisaient présents par les lettres qu'ils nous envoyaient. Je sentais qu'au-delà des paroles, il y avait un intérêt authentique pour les novices que nous étions et qui avancions sur le même chemin… il y avait certainement une intercession qui se faisait par eux. La vérité est qu'ils nous faisaient sentir que nous étions "en famille".
Je dois dire que j'ai rarement trouvé par la suite, la même sensation "d'être pris en charge" par les frères.
Cette "prise en charge mutuelle" nous ne l'avons pas encore trouvée. Nous nous sommes rencontrés profondément et cordialement à Molinari, et ensuite ce fut le silence. Je voudrais que nous réfléchissions sur ce point. Je dis tout cela comme une invitation de l'Esprit-Saint à renforcer notre amitié, à la rendre réelle, concrète, vécue. Et il me semble que nous devrions prendre dans ce sens toutes les invitations qui nous viennent de France, pour que nous prenions une part active au Chapitre de 1973 et que nous ayons à faire connaître nos expériences.
Moi-même je reconnais que je n'ai pas toujours vu l'aspect positif de cette communication. Aujourd'hui, dans la nuit de l'Amour, j'ai compris que nous pourrions prendre ces appels comme une invitation à l'amitié. Surtout je suis convaincu qu'une vie bien réalisée est une vie où se trouvent les deux éléments complémentaires: se sentir aimé et porter les préoccupations de l'autre. Je ne trouve pas d'autre définition meilleure, pour exprimer tout ceci, que celle de St Paul: "Portez les uns les autres vos charges". Nous voulons donner aux jeunes qui viennent à Suriyaco, le silence, la beauté, l'eau cristalline, et cet "esprit de famille".
Il serait bien qu'arrive aux novices de Suriyaco ce message: "Moi qui vis à Córdoba, à Olmos, au Venezuela, à Buenos-Aires, je suis avec toi, mon frère. Nous marchons ensemble". Car les jeunes pourront aimer et se livrer dans la mesure où ils se sentiront aimés. Ne pas se sentir porté… se sentir laissé de côté, laisse une impression d'amertume et d'insatisfaction.
La seule chose que nous pouvons donner aux jeunes qui s'approchent de notre communauté à la recherche de quelque chose de neuf, c'est de leur faire sentir notre affection, notre accueil, notre confiance, notre attente… pas seulement la mienne ni celle des frères qui vivent à Suriyaco, mais celle de tous les frères.
Saint François voyait clairement que l'évangélisation n'était pas confiée à un prédicateur, mais à un groupe humain qui apportait la joie et l'allégresse de l'amitié.