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 Fondation de la fraternité de Ciudad Hidalgo au Mexique

d’une lettre de Giorgio, Régional de la région Amérique Centre Nord

Ces dernières années notre région a fait face à de profonds questionnements. Nous avons connu une crise au niveau de la vie de la région (malgré des choses très valables que chacun a pu vivre dans sa propre insertion).

Aujourd’hui, après de nombreux va-et-vient, nous sommes 10 frères en 6 lieux différents. Nous avons cherché différentes façons de nous rapprocher ou de nous regrouper… mais cela ne fut jamais possible, soit à cause des exigences de fidélité à un milieu, soit à cause des difficultés à se déraciner.

Et puis il y a plusieurs facteurs qui ont rendu notre problématique plus compliquée, entre autres la prise de conscience de notre vieillissement, et un manque, désormais chronique, de relève et de vocations.

Nous nous sommes souvent dit que vieillir n’est pas un problème, … pourvu que nous soyons capables de "vieillir bien": c’est à dire en renouvelant constamment notre vie spirituelle et en redonnant vitalité à notre vie religieuse et à notre mission.

Il y a plus ou moins 3 ans, nous avons émis l’hypothèse de nous regrouper tous dans un même pays: la chose n'avait jamais dépassé le stade de l’hypothèse.

A la dernière réunion régionale, nous avons lancé une nouvelle piste de recherche : envisager une nouvelle fondation au Mexique qui puisse regrouper un bon nombre de frères (ceux qui veulent ou qui peuvent se rendre disponibles).

Sans bien trop savoir comment cela s'est fait, les frères de Brooklyn, de Manhattan et de Chapulco ont commencé à croire que nous pouvions faire un projet ensemble : démarrer une fraternité à la campagne (proche d’une grande ville), insérée parmi les gens du coin (tellement affectés par le drame de l’émigration), mais en gardant beaucoup d’espace pour la prière et l’accueil des gens "en recherche".

Nous sommes passés par de véritables "montagnes russes" d’émotions, de peurs, de doutes, mais aussi d’enthousiasme. Mario a fait un grand travail d’exploration sur place, Giuliano et Giorgio ont fait de brèves visites pour participer à l’exploration. Et voilà que nous avons trouvé un très beau terrain qui nous est offert gratuitement (tant que nous en aurons l'usage), à 4 kilomètres de la ville de Ciudad Hidalgo, avec une vue extraordinaire sur la Sierra Madre. Pour tous ceux qui le connaissent, il s’agit d’un terrain idéal… mais nous devons d'abord prendre la truelle en main pour y construire une maison !

Ce terrain appartenait à un mexicain qui a émigré aux Etats Unis et qui espérait y construire sa propre maison quand il reviendrait au pays ; mais il s’est rendu compte qu’il ne retournerait plus au Mexique pour y habiter, aussi il a décidé de donner son terrain à l’Eglise pour qu'une "communauté de prière puisse s’y installer".

Nous avons demandé à Joji de venir passer une semaine à New York au début du mois de mai pour nous aider à prendre la décision finale ; depuis le Mexique, Mario nous a rejoint à New York. Et voici les décisions que nous avons prises:

- Mario, Giuliano, Giorgio et Jay se retrouveront à Ciudad Hidalgo au cours de l'été 2008 pour démarrer les travaux.

- Vishwas suivra au début décembre.

- Paco fermera Chapulco et rejoindra Ciudad Hidalgo après un an.

Evidemment il y a un tas de questions et de thèmes que nous avons abordés tout au long de notre longue recherche : Est-il justifié de fermer la fraternité aux USA après 40 ans ? Pourquoi fermer Chapulco? Comment réagir face aux questionnements de nos amis ? Comment faire face à l'aspect "mort" que contient tout départ ? De quoi allons-nous vivre au Mexique ?  Comment organiser une fraternité avec 6 frères ? etc… Nous faisons nôtres les paroles de Bertrand, petit frère de Jésus, (écrites depuis la fraternité de Beyrouth, dans un diaire), tout en respectant le fait qu’elles se réfèrent à une problématique différente: "Toutes les expériences de la Fraternité vécues dans nos différents pays, depuis le début jusqu’à maintenant, doivent être relues et méditées, non pour revenir sur le passé, mais pour y puiser foi, courage et créativité, pour lancer de nouvelles initiatives et de nouveaux projets ensemble, en tenant compte de nos limites et de notre fragilité, mais en comptant aussi sur le Seigneur."

Maintenant nous avons vraiment besoin d’un supplément de foi, de courage et de créativité pour "fermer" tout ce que nous devons fermer, et "ouvrir" tout ce que nous devons ouvrir.

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 Les frères de Brooklyn, USA, se préparent à déménager au Mexique. De Giorgio:

Auparavant nous avions eu une belle fin de semaine en Pennsylvanie en compagnie de tous les frères de Jésus des USA et du Canada et de 9 petites sœurs de Jésus des USA. L’amitié construite au fil des années est solide et continuera, même si tout départ entraîne des arrachements et des questions. Avec les petites sœurs de l’Evangile du Bronx et Pierre[5] ce fut un repas dans un restaurant belge de Manhattan : deux des sœurs sont belges, comme aussi Elke, la formidable nièce de Simone, qui vit et travaille avec elles.

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Pendant que au Mexique les préparatifs pour la nouvelle fraternité allaient bon train, les frères de Brooklyn sont arrivés à Ciudad Hidalgo.

 de Giorgio :

Ici, l'accueil a été impressionnant de la part des voisins de la vallée qui vraiment ne pouvaient pas être plus généreux à notre égard. Ils sont très pauvres… et quasiment tous ont de la famille émigrée aux USA. Nous sommes tellement occupés par les rencontres, les invitations et les visites, que nous n'avons pas assez de temps pour nous préoccuper du futur. Nous sommes installés d'une façon provisoire et assez austère, mais nous avons l'essentiel, grâce au travail de préparation de Mario. Nous avons déjà reçu la visite de l'évêque auxiliaire, et de l'archevêque le lendemain. Ils nous appuient très fort. L'archevêque a voulu nous proposer un nom pour notre communauté: "Fraternidad del beato Carlos" (fraternité du bienheureux Charles) ! "

Ciudad

Travaux de construction de la fraternité

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 de la fraternité de Ciudad Hidalgo :

Notre insertion se poursuit à un rythme vraiment rapide. Nous sommes ici depuis à peine un mois et demi, mais parfois nous avons l'impression de connaître nos voisins depuis très longtemps. Qui aurait pu imaginer un accueil si généreux et si immédiat !

Même si les gens ne savent pas trop ce que nous sommes ni quel est notre charisme, ils sont vraiment contents que nous ayons choisi de faire route avec eux. Ils nous demandent parfois : "Est-ce que vous allez rester ici définitivement ?" ou bien encore: "Pourrons-nous participer à votre prière ?".

On peut dire que nous avons déjà fait notre petit trou au sein des deux communautés chrétiennes de notre vallée. Nous participons à leur liturgie du dimanche, ainsi qu'à la "hora santa" (adoration) du jeudi. Nous trouvons souvent de la nourriture ou des fleurs à notre porte. La presque totalité des familles sont marquées par le drame de l'émigration aux USA. Nous avons connu des parents qui ont 4, 5, ou même 8 enfants à Chicago ou Atlanta. Et parfois ils ne les ont pas vus depuis des décennies, car il est toujours dangereux et très coûteux de passer la frontière sans papiers, le plus souvent par le désert.

Nous vivons à un rythme très humain, mais nous ne chômons quand même pas : nous avons des poules et un jardin et nous avons commencé a défricher notre futur jardin, enlever les grosses pierres, planter des arbres. Il s'agit de quelques deux hectares de terre en pente ou nous espérons avoir un verger, une petite plantation de maïs et tout genre de végétaux.

La construction de notre fraternité avance à un rythme plus rapide que nous ne l'imaginions et maintenant nous espérons vraiment que la maison sera au moins partiellement terminée pour Noël. 

[5] Un ancien frère de l'Evangile.