La Fraternité de l’Evangile est présente en Afrique de l’Est depuis 30 ans. Actuellement la Région a la richesse de compter neuf frères de diverses origines et nationalités : 5 africains (2 congolais, 2 kenyans, 1 tanzanien), 1 indien, 3 européens (1 belge, 1 français, 1 italien), et 2 novices kenyans. Cela fait un beau mélange ! qui est cependant tempéré par l’unité de la langue (anglais et kiswahili), ce qui facilite par ailleurs le fait que les frères ne sont pas liés à une fraternité, ils bougent, selon les nécessités, entre les trois fraternités que compte la région : une à Nairobi (Kenya), et deux en Tanzanie.
Diaire de Paluku (fraternité de Nairobi-Kangemi, Kenya)
Décembre 2007
J'ai écrit la dernière fois en 2005, et j'ai partagé avec vous mon expérience d'études. Maintenant je vais écrire sur mon expérience de vie dans une fraternité ordinaire, spécialement comment j'ai vécu les trois piliers de notre vie qui sont : la prière, la vie de communauté et la vie de partage avec les gens.
Aussitôt après avoir fini mes études dans un Centre pastoral et catéchétique, je suis allé à Arusha, et j'ai commencé à chercher un travail comme mécanicien.
En tant qu'étranger [3], ce n'était pas facile de trouver un travail parce que je n'avais pas de permis de travail. Ma seule chance était de frapper à la porte du garage de l'Archidiocèse d'Arusha qui s'appelle 'St Gabriel Training and Autovehicle Workshop'. J'ai dû passer par le secrétaire général de l'archidiocèse, qui est un grand ami de la Fraternité. Finalement j'ai obtenu du travail : d'abord j'ai eu un court contrat d'essai de six mois, et ensuite un autre contrat d'un an et demi, qui s'est terminé le 30 juillet. Ensuite je suis revenu à Nairobi où actuellement j'étudie la Spiritualité.
Maintenant, je voudrais parler du partage de la vie des gens. Mes deux années de travail manuel à 'St Gabriel' ont mis en relief pour moi le sens de notre partage de la vie des gens, spécialement des petits. Comme travailleurs à temps plein, nous n'étions que quatre. J'étais le seul religieux.
Au début, les autres travailleurs avaient peur de moi parce que c'était la première fois qu'ils voyaient un religieux travaillant dans une institution catholique sans en être le directeur ou le "in charge". Mais ils ont apprécié de voir que j'étais capable de suivre le règlement et les directives du directeur de l'atelier et du centre d'apprentissage et de voir combien j'étais sérieux. Après seulement deux mois, nous sommes devenus amis et on m'a demandé de m'occuper des apprentis pour leur enseigner l'électricité automobile et l'éthique morale. Petit à petit je suis devenu le lien entre les étudiants et les autres membres du staff. Je me suis fait des amis parmi les gens et les clients qui venaient amener leurs voitures à notre atelier. Petit à petit j'ai commencé à visiter et à échanger profondément avec mes compagnons de travail : quelquefois nous commencions par discuter de comment fixer un accessoire et nous aboutissions à un partage de vie.
Quand ce fut l'heure de quitter, le staff du garage a organisé une rencontre d'adieu où je suis allé avec Bruno. C'est à ce moment que je me suis aperçu combien ma présence à St Gabriel avait de sens et combien elle signifiait quelque chose. Beaucoup disaient que le fait de partager leur vie les avait beaucoup encouragés, qu'ils trouvaient en moi un frère... Ils disaient : "Dieu t'a envoyé vers nous et pour nous". Le responsable de la section 'apprentissage' m'a dit plusieurs fois : " Frère, tu es devenu pour nous un signe de Dieu en montrant comment nous devons travailler, en écoutant et travaillant sans essayer de contrôler ou juger, mais en aidant." Je ne pense pas que ces mots étaient seulement pour me plaire, mais qu'ils comportaient une certaine vérité.
J'ai compris aussi combien notre style de vie nécessite une certaine sorte d'équilibre personnel pour mettre ensemble travail, prière et apostolat. Le travail comporte beaucoup de pressions, d'anxiétés et de fatigue qui influence la prière. En travaillant avec les gens, on se rend compte combien les parents sont prêts à se sacrifier pour le bien de leur famille.
La prière se ressent de la grande fatigue de chaque jour, spécialement l'adoration de la soirée. Je me suis trouvé souvent en train de dormir ou sans réaction et seulement en présence du Seigneur. Alors, chanter n'était même pas facile. J'ai alors trouvé une autre façon de prier avec un mantra, cela m'a aidé à me mettre en présence du Seigneur. Ce qui m'a aidé aussi est de pouvoir bien me reposer les après-midi des fins de semaine, surtout le samedi. C'était pour moi un temps privilégié de lectures personnelles spirituelles et aussi de visite aux voisins. Chaque mois, j'ai pu aller à l'ermitage et ainsi avoir plus de temps pour une union intime avec le Seigneur.
Dans le même temps, j'étais en charge de la "Fraternité Séculière" à Arusha. Nous avons eu le privilège d'accueillir à Arusha en 2006 l'Assemblée Internationale de la "Fraternité Séculière". Ce fut un travail lourd et qui m'a sollicité beaucoup : merci à Dieu, tout s'est bien passé ! J'ai accompagné la fraternité séculière d'Arusha jusqu'à mon déplacement à Nairobi. J'ai été très impressionné par leur foi. J'ai animé des sessions avec eux, qui m'ont poussé à lire et à réfléchir de temps en temps sur le message de Charles de Foucauld.
En plus de cela, je faisais le lien entre la fraternité et la paroisse. J'ai été ainsi présent dans plusieurs activités de la paroisse. La plus importante était l'animation des responsables des Petites Communautés Chrétiennes ("Small Christian Communities") avec qui en particulier j'animais un séminaire par mois. Avec eux j'ai surtout mis l'accent sur le partage d'évangile. Au niveau de la vie de la paroisse, c'était un temps de crise. C'était dur de collaborer avec le curé que j'avais trouvé en place ; ce dernier a dû quitter à cause de mauvaises relations avec son comité paroissial. Alors j'ai eu à trouver de nouveau une manière de collaborer avec le deuxième curé. Cela n'a pas été facile, mais j'ai pu travailler avec lui et nous nous sommes entraidés.
Durant mon temps de présence à Arusha, j'en suis venu à apprécier notre façon de prêcher l'Evangile à travers notre vie de présence avec les gens. Le fait de se laisser toucher par la vie des gens, spécialement nos voisins et nos compagnons de travail, change complètement notre façon de regarder les gens. Nous n'avons pas et ne contrôlons pas d'institutions, mais nous avons des relations avec des gens : les petits spécialement apprécient notre manière de vivre. Je pense que ma vie à Arusha n'a pas été du temps perdu, mais vraiment une opportunité de croissance, en ce sens que j'ai été capable de donner et de recevoir aussi.
Depuis la mi-août, je suis en train d'étudier la Spiritualité. Je trouve cette étude intéressante et utile. C'est un cours très en lien avec les expériences de vie. Il demande de la compréhension au niveau des conférences, de la réflexion personnelle pour appliquer le matériel reçu à sa propre vie aussi bien qu'à la vie des autres. Nous avons à écrire beaucoup de 'mémoires' de réflexion, pour lesquels on nous demande, non pas de lire beaucoup, mais plutôt de réfléchir. J'ai déjà complété le premier semestre, je vais commencer le second semestre aussitôt après les vœux de Bruno à Arusha.
[3] Paluku est Congolais.