FRATERNITES EN AFRIQUE DE L’EST

La Fraternité de l’Evangile est présente en Afrique de l’Est depuis 30 ans. Actuellement la Région a la richesse de compter neuf frères de diverses origines et nationalités : 5 africains (2 congolais, 2 kenyans, 1 tanzanien), 1 indien, 3 européens (1 belge, 1 français, 1 italien), et 2 novices kenyans. Cela fait un beau mélange ! qui est cependant tempéré par l’unité de la langue (anglais et kiswahili), ce qui facilite par ailleurs le fait que les frères ne sont pas liés à une fraternité, ils bougent, selon les nécessités, entre les trois fraternités que compte la région : une à Nairobi (Kenya), et deux en Tanzanie.

 

 Visite du Prieur (Joji) en Afrique de l'Est

juillet 2008

Je reviens d'un long séjour en Afrique de l'Est avec trois images en tête.

D'abord celle du rassemblement à Nairobi de 24 frères et sœurs de différentes congrégations religieuses issues de Charles de Foucauld présentes en Afrique [6]. Image de cette graine que nous avons reçue de Charles de Foucauld par nos fondateurs et fondatrices et que nous sommes appelés à faire germer et à cultiver…

La seconde image est celle d'une veillée de prières que les frères d'Afrique de l'Est, réunis en réunion régionale, ont organisée en union avec Jacques Wilhelm [7] et les frères de Foumban : image de cette Fraternité que nous voulons construire, qui nous dépasse et qui est plus profonde que nos plans humains…

La troisième image me vient d'une demi-journée de détente au cours de cette même réunion régionale. Un après-midi, nous avons marché ensemble une heure et demie jusqu'au sommet d'une colline des environs de Mlangareni. Du haut de la colline on dominait toute la région : nous y avons célébré l'Eucharistie. Tout cela me semble bien l'image de cette Fraternité qui ne prend son sens et sa raison d'être que dans une communion avec Jésus ; c'est lui qui nous réunit et nous envoie vers nos frères et nos sœurs, aussi différents que nous sommes, avec nos joies et nos difficultés.

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J'ai passé d'abord un temps avec Yesudas, Bruno et les novices à Mlangareni.

Mlangareni est un gros village de plus de 4.000 habitants dans la région d'Arusha, à environ 20 km de cette ville. L'idée d'installer une fraternité dans ce village est liée au départ de Chalinze (dans la région de Dodoma en plein centre de la Tanzanie) où une fraternité s'était installée au début des années 80. C'était, d'un coté, le moment de changer de lieu d'insertion pour que la petite communauté chrétienne de Chalinze et des environs, née de la présence de la fraternité, soit prise en charge par des prêtres du diocèse. D'un autre coté, la collaboration et l'entraide fraternelle nécessitaient de se rapprocher de la fraternité d'Arusha (ouverte en 1981 au nord de la Tanzanie), et de celle de Nairobi au sud du Kenya (à 270 km d'Arusha). Chacun dans la région désirait aussi une fraternité à la campagne, comme endroit pour un noviciat et pour donner un visage de la Fraternité que les deux autres fraternités, situées en ville, ne pouvaient donner.

MangariniLe choix s'était porté sur Mlangareni à cause de son peu d'éloignement d'Arusha - ce qui permettait une collaboration entre les deux fraternités - et à cause des bonnes conditions agricoles avec possibilité d'irrigation. Les frères ont acheté un champ juste au milieu du village et ont commencé à le mettre en valeur à partir d'Arusha. Beaucoup a été fait, au début sous l'impulsion de Gilles et ensuite de Bruno: plantation d'arbres fruitiers, d'arbres pour le bois de cuisine, d'une bananeraie, aménagement d'un jardin, amendement du terrain etc… En 2003, les frères et les postulants ont commencé à habiter dans une maison provisoire, y venant tour à tour à partir d'Arusha. Au début de 2007, le noviciat s'est déplacé d'Arusha à Mlangareni. Maintenant la maison provisoire a laissé place à une maison plus importante construite sous la direction d'Alex : elle n'est pas entièrement terminée, mais les frères y habitent depuis juillet 2007. Une chapelle extérieure devrait être construite à la fin de 2008.

A mon arrivée à Mlangareni, il y avait trois jeunes au noviciat. L'un d'eux, Patrick, a fait ses premiers vœux au cours de la réunion régionale des frères d'Afrique de l'Est. Les deux autres continuent leur chemin. Tous les trois sont kenyans : Patrick et Linus viennent du centre du Kenya, mais sont de tribus différentes. Filipo, lui, est de la partie occidentale du pays. Le noviciat est pris en charge par Yesudas.

La maison a été conçue pour y accueillir d’abord des novices (espérons !), mais aussi pour éventuellement donner des espaces de retraites ou de récollections à des personnes d'Arusha, retraites ou récollections dans notre style, bien sûr. C'est quelque chose que les frères voudraient essayer de développer dans le futur. Dans ce domaine il y a un réel besoin : la fraternité pourrait proposer une alternative pour des gens qui ne peuvent aller dans des maisons de retraite classiques à cause du prix et du style de ce qui leur est proposé.

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A Nairobi, la fraternité a commencé dans le quartier de Kangemi en 2002. Ce n'est pas la première implantation de la Fraternité à Nairobi : celle-ci remonte à 1995 quand les frères se sont installés pour des raisons d'études et de formation. Depuis quelques années, les frères stables y sont Alain, Luc et Gustavo. Alain et Luc travaillent dans un service de la paroisse qui s'occupe des malades du sida. Gustavo a quitté récemment la menuiserie de la paroisse, il travaille maintenant comme menuisier dans une ONG qui est surtout au service des réfugiés… L'alcoolisme étant un grand fléau dans le quartier, il passe beaucoup du temps libre que lui laisse son travail avec des jeunes alcooliques ("AA" : "Alcooliques Anonymes"). Le fait que les trois frères soient étrangers (français, belge et congolais) ne leur donne pas droit à un travail normal salarié, sauf dans des structures dépendantes de l'Eglise ou d'une ONG. C'est une véritable question pour tous les frères de la Région. Les lois du travail pour les non-kenyans (au Kenya) et les non-tanzaniens (en Tanzanie) sont strictes et appliquées.

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En  juin, les frères ont eu leur réunion régionale à Mlangareni. Le fait marquant de cette réunion a été la participation de Marc, prieur des Petits Frères de Jésus, qui a animé une journée sur "Nazareth". Edouard, petit frère de Jésus rwandais, a aussi participé à toute la réunion. Il vient de joindre depuis peu la fraternité des petits frères de Jésus de Murugaragara (à l'Ouest de la Tanzanie, à la frontière du Burundi et du Rwanda). Lorenzo y était resté seul depuis le départ de Marcel (pour raison de santé). Edouard connaît déjà les frères de la région car au début de l'année, il a passé quelques mois à la fraternité de Kangemi pour un stage de langue Swahili. La fraternité de Murugaragara étant isolée, la volonté mutuelle des frères des deux cotés serait de s'entraider. Le "comment" n'est pas clair, car Murugaragara est loin d'Arusha (environ 800 km). La présence d'Edouard à cette réunion régionale des frères de l’Evangile d'Afrique de l'Est était déjà un signe très fort de cette volonté de s'entraider.

La région de l'Afrique de l'Est compte très peu de frères, et a été marquée, dans les années précédentes, par le départ de certains frères pour raisons de santé. Ce petit nombre se ressent surtout au niveau de la formation (pour le moment : noviciat et stages préparatoires à un futur postulat). Le fait que trois frères (Bruno, Paluku et Vitalis), vont passer un an à l'extérieur de l'Afrique pour "l’année commune", oblige les frères à fermer temporairement la fraternité de la ville d'Arusha. Une famille amie y habitera pendant ce temps : les frères y garderont un pied-à-terre bien utile pour la participation des novices aux sessions de l'inter-noviciat ou pour d'autres activités.

Jacques Wilhelm a séjourné dans la région de l'Afrique de l'Est de 1985 à 1999. Son décès rapide, juste avant les dates de la réunion, l'a rendu bien présent. Il avait vécu dans les fraternités de Chalinze et d'Arusha. La veille de sa sépulture à Foumban (Cameroun), nous nous sommes unis à lui et aux frères et sœurs de là-bas par une veillée de prières au milieu de la nuit.

PatrickAu cours de la réunion, Patrick, kenyan, a fait ses premiers vœux dans la fraternité. Il est actuellement à Mlangareni, mais dans quelques temps il ira au Kenya se perfectionner en agriculture.

La région de l'AFE a la richesse de comporter des frères de diverses origines et nationalités (kenyane, tanzanienne, indienne, congolaise, italienne, belge, française) : sept pour neuf frères. Cette diversité pousse à un accueil de l'autre avec ses différences de tempéraments, d'histoires, de traditions et de cultures : c'est un véritable défi avec ses joies, mais aussi ses difficultés. Ce sont les frères les plus anciens  qui jusqu'à maintenant ont porté les responsabilités (surtout pour la formation) : la réunion a commencé à réfléchir sur le futur en ce sens pour les jeunes.

Les frères d'Afrique de l'Est sont peu nombreux, mais très divers au niveau de l'âge, de leurs origines nationales ou ethniques et de leurs tempéraments. Il y a une première génération de frères qui sont arrivés de l'extérieur du continent dans les années 80 pour fonder. Une autre génération suit, composée de frères africains plus jeunes, que chacun voudrait voir s'étoffer petit à petit. Faire fraternité et vivre en frères nécessitent des efforts concrets et pratiques d'écoute et de dialogue et de compréhension mutuelle. Chacun est appelé à clarifier ses désirs et ses aspirations de vie, à les mettre sur la table, à discerner avec les autres frères le chemin à prendre avec en toile de fond le charisme de la Fraternité, ce trésor dont nous sommes appelés à vivre.

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Du 12 au 20 juin, s'est tenue à Nairobi une assemblée des Congrégations Religieuses issues de Charles de Foucauld insérées en Afrique[6] : Petites Sœurs du Cœur de Jésus (Centrafrique), Petites Sœurs du Sacré Cœur, Petites Sœurs et Petits Frères de Jésus, Petites Sœurs et Petits Frères de l'Evangile. Chaque Conseil était aussi représenté. En tout, nous étions 24.

Il n'y avait pas de décision à attendre. Mais le fait même que cette réunion ait pu être organisée était déjà pleine de sens. C'était la première fois que six familles religieuses issues de Charles de Foucauld se réunissaient pour échanger leurs expériences et leur vie en terre d'Afrique à la suite de Frère Charles.

Nous étions d'origines très diverses (Nigeria, Tanzanie, Congo, France, Rwanda, Italie, Belgique, Allemagne, Centrafrique, Canada, Espagne, Madagascar, etc.) insérés dans des pays africains aussi divers (Tanzanie, Kenya, Rwanda, Niger, Mali, Afrique du Sud, Centrafrique, Madagascar, Cameroun etc.)

Les sujets de discussion et de partage ne manquaient pas. Au début, chacun a pu parler de sa fraternité et de son insertion, de la façon dont il se situait comme frère et sœur, de ce qui lui donnait de la joie ou lui posait questions… Au-delà des différences de charismes, un air de famille est vite apparu : tous les témoignages exprimaient le  désir et la joie de chacun de vivre à la suite de Jésus au milieu des gens simples, au milieu de ceux auxquels d'ordinaire on ne fait pas attention…

Frères et sœurs en Afrique ont le désir de vivre comme religieux au milieu des gens ordinaires et en solidarité avec eux. Mais la vie religieuse en Afrique est souvent associée à un niveau de vie élevée, à un certain statut social et à un certain pouvoir. La solidarité avec les pauvres à la suite de Jésus de Nazareth, amène les frères et les sœurs à exprimer concrètement une autre conception de la Vie religieuse.

Les frères de l'Afrique de l'Est avec Joji

Une autre question a aussi retenu les frères et les sœurs de la réunion, celle du travail : il est un élément important de la solidarité concrète avec les gens ordinaires et du partage de vie avec eux. Mais comment en trouver dans une société où beaucoup n'en ont pas ? Quel genre de travail ? Et même, dans le cas où l'on en trouve un, comment en vivre (tant les salaires sont bas) ? Dans la plupart des pays africains où les fraternités sont insérées, cette recherche du travail pose questions. Comment ouvrir des voies nouvelles et être inventifs, dans le cadre de nos charismes ?

[7] Jacques Wilhelm est décédé au Cameroun, voir notice ci-après.