AUTRES DIAIRES ET NOUVELLESMichel

 Diaire de Michel  (fraternité de Villeneuve-la-Garenne, France)

 

Ma belle année Sabbatique s'est achevée avec mon arrivée à Villeneuve-la-Garenne. Au long de tous ces mois écoulés, et après avoir reçu une bonne nourriture Biblique et Théologique à "Lumen Vitæ" de Bruxelles, j'ai parcouru l'Europe m'arrêtant dans chacune de nos fraternités, comme un petit pèlerinage. J'ai pu ainsi découvrir ou redécouvrir quelques unes de nos fraternités, elles sont à la fois toutes belles, différentes mais aussi brassées par les mêmes réalités de notre monde globalisé. Tant en Espagne qu'en Italie le développement, l'urbanisation, l'argent des investisseurs, ont presque effacé ce que ma mémoire et mon cœur avait gardé d'attachement pour ces lieux. Avec les frères j'ai découvert leur présence dans l'aujourd'hui fait d'immigration, de mélange de langues et de cultures où les passerelles sont encore à inventer, mais aussi de familles éclatées, de drogue, de quête de sens dans ce monde où les valeurs anciennes sont presque toutes remises en question.

Les enjeux sont nombreux, j'ai ressenti et découvert, au fil de mes visites, combien notre monde, en nouvelle gestation, avait besoin de cette Parole d'Évangile dans toute sa puissance créatrice et novatrice. Ma simple prière est de demander, que moi-même ou l'Église ne soyons pas obstacle, mais vrais témoins de cette belle Parole de Lumière et d'Amour de Vie et d'Espérance.

Maintenant je suis à Villeneuve-la-Garenne, dans la périphérie de Paris… C'est la nouvelle réalité dans laquelle je dois entrer. Une ville, multiculturelle (ce qui n'est pas très original),  où je perçois, dans une première approche, un climat paisible, offrant l'espace de la différence et de l'accueil : je suis surpris du peu de tags sur les murs et d'un respect du quartier. Nous avons aussi la chance d'un très beau parc, "Chanteraine", apprécié de tous et surtout des mamans avec leurs petits.

Notre fraternité qui compte maintenant 5 frères, doit se chercher un nouvel appartement : nous sommes en prospection sur l'île St Denis, et peut-être obtiendrons-nous un F3 [1]. Nous essayerons de maintenir des rythmes et des partages, pour qu'ensemble, nous gardions l'esprit d'une seule fraternité. Il n'y a qu'un bras de Seine qui nous séparera, bien qu'étant dans deux départements et deux diocèses différents.

Daniel et MichelJ’ai repris le travail de Daniel à Clichy dans une "Association d'Aide à Domicile". Daniel, et donc moi aujourd'hui, nous faisons tous les petits travaux de bricolage, mais aussi les gros nettoyages que ne peuvent assumer les aides ménagères.  Le travail est souvent ingrat, mais la richesse est dans la rencontre des personnes que l'on visite. Je ne sais si j'ai une compétence particulière, mais je sais que, témoigner d'une disponibilité, écouter, apporter un sourire, assumer une part de la souffrance de l'autre, est pour moi ce qui donne sens à toute cette activité. J'aime beaucoup l'esprit qui anime cette Association : Jacques, le directeur est un homme remarquable, humain, patient et offrant sa confiance. Anne qui le seconde est tout en douceur, Anissa, Elisabeth, Anna et Madjouba (notre standardiste qui se marie au Maroc ces jours-ci), témoignent toutes d'une grande disponibilité aux personnes, et puis toutes les aides-ménagères que j'apprends à connaître peu à peu. Je suis déjà de cette petite famille. Daniel, tel un prophète, m'avait annoncé, et sans être le messie, je n'en étais pas moins très attendu ; pour tous les bénéficiaires, je suis déjà Michel à qui on offre un café.  Par ce travail, je découvre la ville de Clichy et toutes ces vies simples faites parfois de solitude et de pauvreté cachées : je suis à la fois le dépanneur, l'assistant social, et j'espère, peu à peu, l'ami.

Dans les semaines écoulées, j'ai rencontré trois personnes qui m'ont touchées tout particulièrement : Madeleine, 87 ans, qui a vécu seule, indépendante (un bon métier), mais qui aujourd'hui perd de son autonomie et retourne dans ses souvenirs affectifs. Quand je l'ai visitée avec son voisin, elle tenait dans ses bras Vincent (une belle poupée), l'enfant qu'elle aurait dû avoir et que son amant à empêché d'exister. Il y avait beaucoup d'amour qui passait dans son regard. En lui apportant quelques petites choses à manger,  j'étais le père Noël du jour !

Berthe, une camerounaise qui à cause de sa maladie a failli mourir d'intoxication avec le gaz. Je devais lui apporter une plaque électrique en remplacement de son réchaud. Assise, fatiguée elle regardait ses mains, se demandant comment elle pourrait piler et cuire la banane plantain, et la préparer avec la chèvre et l'arachide… Avec ma petite expérience, nous avons parlé "Afrique", et de sa ville : Yaoundé… Elle a souri en m'écoutant ! Avec Jacques, nous voudrions trouver une aide à domicile qui sache lui préparer quelques plats camerounais.

Mme Serfati et son fils Gilles, (handicapé, 50 ans). Ils reviennent de vacances traumatisés tous deux par une chute faite ensemble ; elle se sent dépassée, écrasée. Comment lui redonner courage, alors que son fils a tant besoin d'elle. On ne peut qu'être présent, réparer quelques bricoles, et en parlant, l'inviter à regarder à nouveau devant. J'ai apprécié la disponibilité et le sourire de l'aide ménagère (une antillaise), qui a donné de sa joie…

Voilà ce que je voulais vous partager, en vous offrant ces petits clichés de mes premiers mois sous la douce pluie de Paris.

Daniel et Michel

[1] C’est actuellement chose faite !