Fraternité-Noviciat de Mlangareni (Tanzanie)
( Yesudas, Bruno, et les novices Patrick, Linus et Philip )
de Yesudas :
Dans ce diaire je voudrais vous parler un peu de ma dernière retraite annuelle. J'ai été heureux de la faire dans un village proche de Mlangareni.
"Maroroi" est un endroit de collines et de vallées, plus aride que Mlangareni : la population y est éparpillée. En janvier, j'y suis allé chercher une maison abandonnée où je pourrais faire ma retraite J'ai été attiré par la beauté, la sécheresse et l'aridité du lieu. Des choses comme celles-là me font sentir proche de Dieu.
A la fin du jour je suis arrivé au sommet d'une colline où se trouve une maison entourée d'arbres qui la protègent du vent. Le propriétaire, Mzee Mlema, connaissait déjà quelques frères. En Tanzanie, l'accueil de l' "étranger" est une tradition : ce paysan était heureux de voir un étranger venir chez lui ; il m'a accueilli avec joie ! Je lui ai expliqué le but de ma visite, et je fus joyeusement surpris de sa réaction spontanée: "Oui, viens et vois, si tu aimes ce que je peux te proposer".
Il m'a montré une petite cabane avec un bon toit (en tôle), une porte et deux petites fenêtres. Les murs étaient mauvais avec des trous, et certaines parties menaçaient de tomber ; le sol était fait de terre tassée avec quelques petites crevasses faites par des termites. Dans la pièce, il n'y avait aucun meuble pour s'asseoir ou pour dormir. La pièce n'était plus habitée depuis longtemps : autrefois elle avait été utilisée par son fils qui maintenant était parti au loin faire du commerce. Cette pièce était à l'extrémité du 'boma' (un ensemble de maisons, avec une maison principale et quelques autres autour), à 30 mètres environ de la maison principale, un peu isolée des activités journalières de la famille. Derrière, il y avait des collines à l'infini et une série de plaines allant jusqu'à 200 km vers le centre de la Tanzanie. J'ai dit alors à Mzee Mlema que j'aimais l'endroit (pour moi, c'était simple et idéal). Il m'a invité à m'asseoir avec la famille pour une boisson traditionnelle faite de yaourt et de maïs (appelée loshoro) tout en échangeant des nouvelles du village.
Mzee et sa famille sont des chrétiens luthériens. Tous leurs 12 enfants sont partis de la maison et ont fait leur vie. Il a quelques acres de maïs, quelques moutons, chèvres, vaches et poules. Il a un tracteur pour retourner son champ et celui des voisins.
J'ai été chaleureusement accueilli par Mzee et sa femme. Je leur ai dit que j'avais tout ce qu'il me fallait, mais ils m'ont dit d'être prêts à m'aider d'une manière ou d'une autre. (Plus tard je leur ai demandé un demi-litre de lait). Après mon séjour, ils n'ont accepté aucun paiement.
Dans cette pièce vide, j'ai arrangé des endroits pour mettre mes vêtements, la nourriture, les livres et pour garder le Saint Sacrement. Je m'attendais à être dérangé par des termites ou des rats, mais il n'y eut que quelques serpents. Le premier jour a été une adaptation à la vie du désert. J'ai utilisé des pierres, des briques, des pièces de métaux que j'ai trouvées dans les champs. Des jerricanes m'ont servi pour de multiples usage : pour aller chercher l'eau et pour la garder, comme table, comme tabouret, etc. J'ai fait attention à ne pas trop toucher les murs de peur qu'ils ne s'effritent.
Après ma première nuit d'expérience sur un sol poussiéreux, Mzee m'a amené son lit de bois et deux tabourets, il m'a demandé de les utiliser. Cela m'a bien servi les deux semaines suivantes.
L'Esprit m'a conduit. Il a pris soin de ma Soif : mon désir de Vérité venant des profondeurs de mon coeur. J'ai été heureux de me lever tôt le matin : c'était un bon moment pour l'adoration du Saint Sacrement. Je me mettais ensuite à faire la cuisine en vue du petit déjeuner, du déjeuner et du souper. A l'heure de la prière du matin, les oiseaux, les moutons, les chèvres et les vaches priaient avec moi les laudes (et le soir les vêpres). Alex est venu une fois célébrer la Sainte Eucharistie, Bruno est aussi venu me visiter. Dans la journée, j'avais le temps pour aller chercher de l'eau ou du bois, pour nettoyer, pour me promener… !
Le mieux possible, je suis resté attentif à l'Esprit (car c'était précisément mon travail en ces jours). Pour les réflexions et les lectures journalières, je me mettais sous un arbre à 80 mètres de là. Je me suis laissé guider par les lectures du Carême, l'adoration de nuit, la prière de l'Eglise et deux autres livres : "Psaumes et cantiques par le pape Jean Paul II" et le fameux "Le château intérieur" de Thérèse d'Avila.
J'ai aussi eu deux visites intéressantes. Dans le silence d'une nuit, j'ai aperçu dans ma chambre un serpent d'un mètre de long. Effrayé par mes mouvements, il a sauté en l'air et est retombé sur les pierres brûlantes du foyer. Moi aussi, surpris, j'ai sursauté… Mais ma lampe tempête s'est éteinte et le serpent a vite disparu dans un trou. Une autre visite m'a touché : une jeune étudiante du secondaire est venue de je ne sais où. J'ai pensé qu'elle venait par hasard, en passant par-là… mais non! elle venait me saluer. Elle est restée assise un certain temps de manière amicale et respectueuse sans que nous ne nous disions beaucoup de choses. Quelques jours après, je me suis dit que sa visite fut comme celle d'une jeune fille de Nazareth !
Après avoir été guéri, un démoniaque demanda à Jésus de le suivre, mais Jésus refusa. Il lui dit de retourner chez lui dans sa famille. Mon désir serait de continuer une vie d'ermite, mais Jésus m'invite à retourner et à dire à mes frères ce que Dieu a fait dans ma vie.
de Patrick : (il a prononcé ses voeux le 28 juin 2008)
Je suis né au Kenya le 5 avril 1978. Ma famille est catholique, nous sommes trois filles et cinq garçons. A la fin de mon école primaire j'ai travaillé un an dans la ferme de mon père. Ensuite j'ai continué mes études et terminé le secondaire. Puis, en recherche de vocation religieuse, j'ai rejoint les Frères de la Charité de Mère Térésa de Calcutta. Après avoir fait un postulat avec eux, il est devenu clair que ce n'était pas ma place.
J'ai alors travaillé dans une ONG à la réhabilitation des enfants de la rue à Nairobi. Pendant ce temps j'ai eu l'occasion de suivre un cours de 'counselling'. Je désirais toujours la vie religieuse. Mon accompagnateur spirituel, le père Joseph, m'a conseillé de visiter une communauté de Petits Frères de l'Evangile. J'ai passé un jour à la fraternité de Dagoretti Corner (Nairobi) où à ce moment-là il y avait des frères étudiants.
En 2004, je suis allé faire une plus longue expérience à la fraternité d'Arusha (Tanzanie). J'ai apprécié la vie de prière, la vie en communauté et la vie avec les gens. La simplicité de vie m'a beaucoup attiré. Et il n'était pas question de savoir qui était prêtre ou non, tous étaient frères. J'ai demandé à joindre les frères et j'ai été invité à commencer le postulat à Arusha. J'ai travaillé sur un chantier d'une compagnie locale, en expérimentant les difficultés et la vie dure des travailleurs. J'ai eu de belles amitiés avec mes compagnons de travail sur ce chantier.
J'ai commencé le noviciat à Arusha. Au début de 2007, notre noviciat s'est déplacé au village de Mlangareni, à un peu plus de 15 kilomètres. Notre maison est en construction : nous habitons dans un bâtiment provisoire.
Voici comment notre temps est organisé durant la semaine. Le matin nous avons le temps de lire et de méditer les Evangiles, ensuite il y a la prière du matin. Après le petit déjeuner, nous travaillons dans les champs ou à la construction de la maison. Il y a beaucoup de travail dans nos champs : nous n'en manquons jamais ! Nous nous arrêtons pour manger vers 1h de l'après midi. Après un peu de repos, nous avons l'adoration du Saint Sacrement suivi par quelques enseignements donnés par Yesudas ou Bruno. Nous avons l'adoration de nuit une fois par semaine.
Dans ma vie de noviciat, j'ai trouvé des défis positifs et des difficultés. La vie communautaire n'est pas du tout facile, nous venons de différentes cultures, avec des histoires différentes et des âges différents, c'est source de tensions. Mais c'est une bénédiction d'avoir à écouter l'autre et de se corriger les uns les autres : c'est beau. La joie de la vie communautaire est que nous pouvons rire sur nos différences d'âge ou de culture pendant nos rencontres et nos repas.
Nous avons eu l'occasion de participer à Arusha à des sessions avec d'autres novices d'autres congrégations. Cela a été une occasion d'interaction avec eux. Nous avons eu aussi d'autres sessions données par des frères sur la Vie Religieuse, la spiritualité de la Fraternité etc.
Nous sommes heureux de vivre au village de Mlangareni. La plupart des gens sont chrétiens (luthériens pour la plupart, un petit nombre est catholique), quelques-uns sont musulmans (ils vivent surtout au centre du village). Au fur et à mesure que j'entre en contact avec les gens, je suis beaucoup questionné. Une fois je suis allé visiter une grand-mère qui m'a demandé des nouvelles de ma femme et de mes enfants. Elle était scandalisée parce que je n'étais pas encore marié et que je ne pensais pas me marier. Je lui ai parlé un peu de la Vie Religieuse, mais elle m'a tout de même conseillé de me marier. Elle m'a même proposé de me donner sa fille en mariage (si c'était nécessaire). Comme elle, beaucoup ne comprennent pas qu'un homme jeune et en bonne santé puisse prendre la décision de ne pas se marier.
Chaque vendredi, je donne des cours de catéchèse à l'école primaire. J'aime être avec les enfants. Il semble que mes cours sont appréciés aussi bien par les enfants que par les professeurs. Nous sommes devenus de bons amis. Les enfants peuvent vraiment nous aider à comprendre la vie de leur village, ils peuvent nous apprendre beaucoup sur leurs familles et leurs amis.
Au noviciat, j'ai apprécié les expériences et les connaissances des frères ; j'ai reçu beaucoup de mes compagnons de noviciat. Cela a été pour moi une période d'ouverture à une nouvelle réalité de vie.