Première partie

ÉCHOS DU CHAPITRE

DES PETITS FRÈRES DE L'ÉVANGILE

Extraits des diaires du Chapitre de Gubbio1

de Giorgio :

    Le lundi 9 juin, à 9 heures, nous nous sommes retrouvés dans la salle de réunion de l’ancien couvent de San Secondo, où nous sommes logés, pour l’inauguration officielle du Chapitre. Joji, le Prieur, a donné la bienvenue et nous a présenté Michael Czerny, jésuite canadien d’origine tchèque œuvrant en Afrique, qui sera le Modérateur tout au long du Chapitre. Nous avons immédiatement procédé à l’élection du Comité de Coordination : Marco, Andreas et Yves ont été élus, étant entendu qu’ils travailleront en équipe avec Michael.

Nous nous rendons compte très vite que ce Chapitre a été très bien préparé par la Fraternité Centrale en collaboration avec Michael.

Nous sommes donc 18 capitulants, aidés par deux secrétaires (André et Paul André ). Hervé, Prieur des PFJ2 est déjà là, ainsi que Yvan (PFJ), spécialiste de la communication. Une petite sœur de Jésus, Christiane, assure très discrètement la traduction en espagnol et Bruno (PFJ) la traduction en anglais. Daniel s’est déjà révélé irremplaçable comme superviseur de la cuisine et de l’intendance.

Au cours de la première liturgie, Joji a commenté l’Évangile du jour, en insistant sur notre vocation à devenir "sel et lumière". Il nous a rappelé combien nous sommes faibles, fragiles et pauvres. Est-ce une raison de désespérer ? Ne faut-il pas donner une large place à l’espérance ? Il a insisté sur cette expression : "une poussée d’espérance".

Dans l’après-midi de cette première journée, nous nous sommes promenés dans l’ancienne ville de Gubbio. Ce fut très intéressant de connaître les anciennes traditions de cette ville. Elle est connue surtout à cause du Loup (parait-il qu’à l’origine c’était un grand seigneur du coin, assez méchant pour qu’on le surnomme "Le Loup"; ce n’est que par la suite qu’on lui a donné quatre pattes !)3. Mais aujourd'hui la ville vit surtout au rythme des célébrations de Sant’Ubaldo, un évêque qui est connu surtout comme "l’homme de la réconciliation"!

* * *

    de Joji :

La maison est agréable et bien organisée : elle se situe en bordure de la ville et donne directement sur la campagne et les collines qui l’entourent. Gubbio est une petite ville historique où il est très agréable de flâner : ruelles aux maisons anciennes, palais historiques, nombreuses églises, etc. Les gens y semblent très accueillants. Tout cet ensemble contribue à créer une bonne ambiance qui va nous aider à accomplir le travail qui nous attend. Le beau temps et le soleil ne nous font pas défaut ; la chaleur commence à se faire sentir… On ne peut rêver mieux !

Chaque jour, des amis de Gubbio et d’ailleurs s’occupent des courses et nous font la cuisine. Plusieurs couples sont ainsi venus nous aider ; pendant les pauses ou les repas, c’est sympathique de trouver au milieu de nous des jeunes qui circulent ici et là, des enfants qui jouent ou un bébé qui dort dans un landau. La région de Gubbio est réputée pour la qualité de sa nourriture et pour la gentillesse de ses habitants : nous expérimentons les deux ensemble. Les petites sœurs d’Assise sont aussi venues assurer une journée de repas et nous avons bien profité des fruits de leur jardin.

Dans la salle du Chapitre, il n’y pas que les capitulants. Michael est toujours présent avec nous, présence discrète et efficace. Chaque matin avec les trois frères du comité de coordination, il aide à préparer le déroulement de la journée. Nous apprécions aussi le travail de Paul André et d’André : ils sont secrétaires du Chapitre, ils prennent note de tout ce qui est dit pendant les assemblées générales.

Chaque matin, nous commençons la journée par un long temps de prière. Nous nous rencontrons tous à la chapelle pour une prière à l’Esprit Saint et l’introduction de la célébration eucharistique. Ensuite nous partageons la Parole en petits groupes à partir d’une des lectures du jour. Ce sont les mêmes groupes qui se retrouvent dans la journée pour des révisions de vie ou des réflexions ensemble. Nous retournons à la chapelle pour la suite de la célébration. Le soir nous nous retrouvons aussi tous ensemble pour un temps de prière communautaire.

Quelques jours avant les élections, Sœur Elisabeth, Déléguée Episcopale pour la Vie Consacrée de l’Archidiocèse de Malines-Bruxelles, est arrivée au Chapitre. Elle est envoyée par le Cardinal Danneels, l’évêque de la Fraternité Centrale, et elle préside en son nom les élections du prieur de la Fraternité. Les élections de la nouvelle Fraternité Centrale nous ont occupés en fait toute une semaine.

En élisant prieur et assistants, nous avons essayé de penser équipe. Giuliano a été élu prieur, José Luis et Xavier assistants. Le soir nous avons fêté et encouragé nos frères de la nouvelle Fraternité Centrale pendant une soirée de jeux et de chants.

Le vendredi 19 a été consacré aux relations avec les frères de Jésus. Le matin, après une présentation et une lecture personnelle de la "lettre commune" des deux Fraternités Générale et Centrale de janvier 2008, une révision de vie a eu lieu en petits groupes. L’après midi chacun a pu exprimer en assemblée générale son sentiment sur le sujet.

Le dimanche 21 a été une journée de détente pour tous avec une excursion à l’abbaye de Fonte Avellana à quelques 80 kilomètres de Gubbio.


Lettre des frères du Chapitre aux amis

Gubbio, 29 juin 2009

Chers amis et chères amies,

Les Petits frères de l’Évangile, réunis en Chapitre à Gubbio (Italie) du 9 au 29 juin, souhaitent vous partager ce qu’ils viennent de vivre durant ces trois semaines.

A Gubbio, comme tout le monde sait, les loups féroces deviennent doux. Mais nous, à vrai dire, nous sommes venus ici avec des intentions très pacifiques : une meute d’animaux domestiques avec des canines bien arrondies.

Tous les six ans nous nous réunissons en Chapitre pour partager sur l’état actuel de la Fraternité, pour réveiller notre fidélité endormie et pour consolider notre espérance pour le futur. Nous devons aussi élire une nouvelle Fraternité Centrale qui veillera sur notre fidélité pendant les prochains 6 ans.

Nous avons donc été chercher un frère du Mexique (Giuliano), un frère de Bolivie (José Luis) et un frère de l'équipe précédente à Bruxelles (Xavier). Nous leur avons demandé de nous aider à vivre avec sérénité un présent qui nous fait sentir si fragiles : nous sommes seulement 73 frères dans le monde entier, dispersés dans de nombreux pays, avec des fraternités qui ne sont pas assez étoffées, et pas assez de vocations. Nous leur avons demandé de nous transmettre un “souffle d’espérance”, un “supplément d’esprit” : Malgré la fragilité de nos structures nous vivons des insertions très belles, et Dieu continue à nous donner d’immenses trésors dans les relations avec nos voisins et avec tellement de gens pauvres.

Le climat général de nos rencontres a été très fraternel. On n’a même jamais entendu un “hurlement”... Seulement de temps en temps un timide “ouf!”. Trois semaines de réunions continuelles mettent à dure épreuve la résistance même des plus doux petits agneaux (même Saint François piqua une colère au cours d’un Chapitre : il monta sur le toit et commença à démonter les tuiles). Mais les échanges les plus importants sont ceux qui se déroulent avant et après les réunions. La présence de frères qui venaient de pays si différents nous a permis de nous enrichir les uns les autres. Bruno est originaire de Tanzanie, Gustavo du Congo, Oswaldo de l’Équateur, Gilles du Canada, et puis il y avait le groupe des Européens (2 Allemands, 1 Espagnol, 7 Français et 4 Italiens).

Avec toutes ces langues en jeu, la liturgie était parfois un écho de la Tour de Babel, mais plus souvent un vent de Pentecôte. Nous avons réussi à chanter en italien, en français, en kiswahili, en espagnol, en anglais, en allemand et en arabe. Il y a des moments de communion sous les yeux du Seigneur qui peuvent émouvoir même les vieux loups édentés...

Au cours de réunions plus formelles nous avons échangé sur certains thèmes de fond de notre réalité quotidienne : comment vivre la communion fraternelle et l’obéissance, comment continuer le renforcement et le regroupement des fraternités, comment vivre avec davantage de radicalité le partage de l’argent, comment vivre avec davantage d’équilibre la relation entre l’insertion dans un milieu et l’appartenance à la Fraternité, comment assurer la formation dans des conditions de si grande dispersion, comment approfondir nos relations avec les Petits Frères de Jésus ?…

Les thèmes étaient très intéressants et nous touchaient de près. Nous les avons affrontés en commençant toujours par une “révision de vie”, c’est-à-dire par l’observation des détails de notre vie quotidienne, revus à la lumière de l’Évangile. C’est une exigence de la spiritualité de Nazareth : valoriser comme fondamentale la vie quotidienne dans son apparente banalité.

Le résultat de notre travail est le dossier ”Actes du Chapitre” que nous porterons avec nous, et qui devrait être une sorte de guide pour les prochaines six années, pour les fraternités et pour chacun de nous en particulier. Maintenant vient la tâche la plus difficile : éviter de mettre les Actes dans le tiroir, mais les lire et relire. Et ensuite la chose fondamentale : les faire descendre dans notre vie quotidienne et faire que le papier devienne chair.

Et pourtant, indépendamment des conséquences futures, ce Chapitre a déjà donné quelques fruits à l’intérieur de chacun de nous. Certains parmi nous sont venus ici marchant avec des semelles de plomb (comment ne pas avoir peur d’une réunion qui dure trois semaines ?), mais nous repartons avec des sandales légères, rendant grâce à Dieu pour une vocation que nous redécouvrons belle et si actuelle, pour une communauté qui nous semble si riche dans sa diversité, pour une fragilité au fond de laquelle nous entrevoyons la présence de la grâce.

Ayant vécu cette expérience “forte” de vie fraternelle, nous laissons Gubbio avec un “loup intérieur” davantage confiant et adouci. N’est-ce pas cela la vie spirituelle : que Saint François que nous portons au-dedans de nous pacifie et convertisse le loup que nous portons aussi en nous ? Œuvre toujours à recommencer, car notre loup intérieur a cent vies ! Et puis, l’Évêque de Foligno4, qui est venu nous visiter un après-midi, nous a rappelé que “soigner la vie intérieure est la première activité apostolique”.

* * *

1 Petite ville d'Ombrie, région du centre de l'Italie, où s'est tenu le chapitre.

2 PFE : Petits frères de l'Evangile – PFJ : Petits frères de Jésus

3 Allusion à un épisode de la vie de St. François d'Assise, qui aurait apprivoisé un loup qui sévissait à Gubbio.

4 Diocèse où se trouve la fraternité de Spello