ÉDITORIAL
En
rassemblant et relisant ces quelques diaires des frères pour la
publication, je me disais que il est important de nous redire et
d'affirmer que leurs vies ont du sens, alors que pour certains elles
pourraient sembler inutiles ou gaspillées, en ce temps où l'on
s'interroge sur une "nouvelle évangélisation" et où l'on recherche
également des méthodes plus performantes et efficaces.
En réalité nous nous retrouvons encouragés par les propos du futur pape Benoît XVI :
"L'Evangile est destiné à tous, et pas seulement à un cercle déterminé,
et nous sommes donc obligés de chercher de nouvelles voies pour porter
l'Evangile à tous. Mais ici se cache également une tentation – la
tentation de l'impatience, la tentation de chercher tout de suite le
grand succès, de chercher les grands nombres. Ce n'est pas la méthode
de Dieu. Pour le Royaume de Dieu, comme pour l'évangélisation,
instrument et véhicule du Royaume de Dieu, est toujours valable la
parabole du grain de sénevé.
La nouvelle évangélisation ne peut pas signifier : attirer tout de
suite par de nouvelles méthodes plus raffinées les grandes masses qui
se sont éloignées de l'Eglise. Elle signifie : ne pas se contenter du
fait que du grain de sénevé a poussé le grand arbre de l'Eglise
universelle, ne pas penser que le fait que dans ses branches toutes
sortes d'oiseaux peuvent y trouver place suffit – mais oser de nouveau
avec l'humilité du petit grain, en laissant Dieu choisir quand et
comment il grandira. La nouvelle évangélisation doit se soumettre au
mystère du grain de sénevé, et ne doit pas prétendre produire tout de
suite un grand arbre. Nous vivons tantôt dans la trop grande sécurité
du grand arbre déjà existant, tantôt dans l'impatience d'avoir un arbre
plus grand, plus vigoureux – nous devons au contraire accepter le
mystère que l'Eglise est à la fois le grand arbre et le grain
minuscule." *
Oui, nous nous retrouvons au cœur du "mystère" de Nazareth, de ces
longues années vécues par Jésus à Nazareth, qui n'ont pas été pour lui
un épisode éphémère, une parenthèse à refermer au plus vite, pour
passer à des réalités plus essentielles, mais un élément constitutif
qui confirme le sens de l'Incarnation, comme communion définitive du
Fils de Dieu avec l'humanité et son histoire, jusque dans les aspects
apparemment les plus insignifiants.
De la même manière, pour nous petits frères de l'Evangile "la vie de
Nazareth" n'est pas une option facultative, une méthode d'approche,
mais bien un aspect essentiel de notre vocation, le partage de la vie
de ceux qui ne font pas "l'histoire". En essayant de rester fidèles
jusqu'au bout.
Tullio
"Nazareth" peint par Charles de Foucauld
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