Décès
Francis Hulsen (†
17 juillet 2010).
Nous
étions nombreux, frères et amis, le 22 juillet à Embourg
(Liège, Belgique), réunis autour de la famille de Francis
pour célébrer une eucharistie pour ses
funérailles.
Voici
des extraits de l'homélie de Max, un frère
d'origine allemande, qui a vécu de nombreuses années en Bolivie
avec Francis
Francis est né le 18
juillet 1936 à Sclessin (à côté de Liège). Il a grandi dans
cette région de Belgique avec ses parents et ses deux sœurs. Il
gardait quelques souvenirs d'enfance de la seconde guerre mondiale et
des angoisses du temps de l'occupation. Il ne pouvait s'imaginer
qu'il passerait une grande partie de son existence, en Bolivie, aux
côtés d'un autre allemand, dans une fraternité insérée parmi les
peuples aymara et quechua.
Le scoutisme a été un
point fort dans sa vie : il a été louveteau, scout, routier et chef
de troupe. Ce fut un bel apprentissage de vie et de service. Après
son service militaire (avec un temps en Allemagne), il désirait
entrer tout de suite chez les Petits Frères de Jésus, mais ses
parents lui demandèrent de terminer d'abord ses études en sciences
commerciales. Peut-être est-ce là qu'il développa ses qualités de
rigueur et d'exactitude. Tout ce qu'il entreprit par la suite se
caractérisa toujours par la perfection des détails, ce qui ne
manqua pas de lui occasionner quelques tensions avec la culture
locale qui est particulièrement informelle en Bolivie.
C'est à l'âge de 24 ans
qu'il s'engagea dans la Fraternité. Après son postulat à
Saint-Rémy, près de Montbard (France), son noviciat à Farlete
(Espagne), et ses premiers pas dans les fraternités de Madrid et de
Málaga (où il déchargeait des bateaux), il commença ses études à
Annemasse en France.
A partir de 1965, il a
participé activement au démarrage des Petits Frères de l'Evangile
et il vécu une année au Sambuc, en Camargue, France, où il a
travaillé comme ouvrier agricole.
Ensuite, après trois
années de théologie à Toulouse, pendant lesquelles il a prononcé
ses vœux perpétuels en 1967, à 31 ans, il a fini ses études à
Fribourg (en Suisse) et a été ordonné prêtre le 19 septembre
1970. Il est resté encore une année à Fribourg pour accompagner
les frères étudiants.
C'est à 35 ans qu'il est
parti en Amérique latine : il a commencé par vivre quelques années
en Argentine… puis au Venezuela dans la fraternité de Jiwitinia,
au milieu des indiens de la forêt dans la région de l'Orénoque.
Pour arriver au Venezuela depuis l'Argentine, il a visité les
régions de Bolivie, Pérou, Equateur et Colombie. C'est à cette
époque qu'il a rencontré pour la première fois les populations
andines quechuas et aymaras, et il a été profondément marqué par
l'extrême pauvreté de ces communautés.
Avec Max et David (le
curé de la paroisse) Francis a fondé en octobre 1974 la fraternité
de Titicachi en Bolivie. Nous avons dû apprendre la langue des gens
(le quechua) pour établir des relations directes sans interprète.
Il nous a fallu aussi chercher comment gagner notre vie avec nos
propres mains dans un monde particulièrement difficile. Et tout cela
sous le pouvoir du gouvernement militaire du général Banzer.
Après cinq années
passées à Titicachi, Francis a été élu prieur au service de tous
les frères, et il a dû voyager dans le monde entier pour aller les
visiter (Afrique, Inde, Japon, USA et bien des pays européens). Il a
été particulièrement attentif aux frères disparus sous le régime
de la dictature militaire argentine. Par la suite, il s'est rendu à
plusieurs reprises dans ce pays en pleine "guerre sale",
affrontant les paramilitaires. C'est pourquoi il a pu participer plus
tard à la rédaction d'un petit livre : "La fraternité dans la
tempête" qui relate cette période difficile.
En 1986, ayant terminé
son mandat de prieur, il a pu revenir à Titicachi, où il s'est
occupé surtout de l'éducation des jeunes adultes de la paroisse de
Chuma, et de l'étude de la flore, de la faune et de l'histoire du
monde andin dont il devint un véritable spécialiste, contribuant à
rendre à ces jeunes, leur fierté d'héritiers des cultures
ancestrales.
Il a pu s'occuper plus
particulièrement d'un groupe de jeunes femmes aymaras, désireuses
d'un engagement dans une vie religieuse, qui prirent le nom de
"missionnaires aymaras". Elles l'aidèrent dans la
pastorale des enfants et pour la préparation à la première
communion. Le groupe croissait, les jeunes filles venaient de bien
loin pour s'y engager, considérant vraiment Francis comme leur père
spirituel, lequel entrevoyait déjà la possibilité de fonder
différentes fraternités en divers lieux. Malheureusement cela
suscita la jalousie d'autres personnes, et le groupe fut contraint de
se disperser. La "perte" de ses chères "missionnaires"
l'affecta beaucoup.
Francis a gardé toujours
ses qualités prophétiques et son courage de dénonciateur de
situations d'injustice, par exemple la corruption de
l'administration, ce qui ne lui rapportait bien sûr pas que des amis
!
Étant toujours au côté
du peuple le plus défavorisé, il était de tous ses combats et ces
dernières années, il appuya donc ouvertement les luttes syndicales
et paysannes qui amenèrent au pouvoir Evo Morales, ce qui fut une
source de grand enthousiasme depuis l'an 2000.
Ensuite, pour raison de
santé (il avait plus de 70 ans), Francis s'établit à El Alto, zone
pauvre aux environs de l'aéroport qui domine La Paz. A El Alto, il
animait une petite chapelle du bidonville où il célébrait, et il
essayait d'y accueillir et de réorganiser un peu ses anciennes
jeunes missionnaires, en plus de l'animation des diacres et des
séminaristes du diocèse.
Lorsque les médecins
boliviens diagnostiquèrent une leucémie, en plus de ses problèmes
oculaires graves, il rentra en Belgique début 2010, à la fraternité
de Bruxelles. Dans l'espoir de retourner en Bolivie, Francis se
soumit avec courage aux pénibles séances de chimiothérapie.
Malheureusement, ces séances ont été totalement inefficaces.
Hospitalisé en juin à l'hôpital St Luc de Bruxelles, sa santé n'a
fait que se détériorer.
Francis désirait sortir
de l'hôpital pour revenir à la fraternité. Tout était prêt pour
le recevoir, mais les médecins ont jugé qu'il était
intransportable, même en ambulance.
Il était depuis quelques
jours dans le service "soins palliatifs", quand finalement
il nous a quitté le samedi 17 juillet.
Francis
avait pu revoir sa famille, et bien des amis (même de Suisse et de
Bolivie!). Il repose au cimetière d'Embourg auprès de ses parents.
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