Diaire de Yves :                                                                                                                                 
  
  A l'issue de notre réunion régionale, nous étions envoyés, personnellement et en fraternité, pour incarner dans nos quotidiens cette "migration" que nous sommes appelés à faire vers celui qui est différent de nous. Il tient bien à nous, disciples de Jésus, d'opérer cette migration à sa suite... Oh! elle doit pouvoir prendre des formes nombreuses et plus discrètes les unes que les autres. Je me contenterai de vous en relater une, qui nous est arrivée comme cela, sans que nous l'attendions.

    Les petites  sœurs nomades m'avaient fait connaître une famille de Sintis de Mallemort. Il m'arrive de m'y arrêter de temps en temps pour bavarder et prendre un café. Elles me signalaient que leur fille, avec son mari et leurs trois enfants avaient pris un terrain à La Roque, en contrebas, tout près de la Durance... "J'irai les voir à l'occasion" leur ai-je dit.

        Pressé par la curiosité, un soir après le travail, et après un peu de recherche, je m'aventure sur le bout de chemin qui me conduirait probablement au lieu dit. ...Je vois dépasser le toit d'une caravane... c'est bien là! Je trouve toute la famille en train d'étaler du "tout-venant" devant la caravane pour être au sec en cas de pluie...S'ils sont là, c'est qu'il y a eu un différent dans la famille. "Si tu veux garder les relations, il faut savoir éloigner les tentes" dit un proverbe nomade. Ils sont tout contents de la visite. Tout en échangeant et en buvant un verre, je vois leur fatigue et leur angoisse : pas d'eau, pas d'électricité, le petit dernier qui doit avoir son injection quotidienne (à conserver au frais dans un frigo). Je leur lance du fond du cœur : "venez donc manger avec nous demain soir!" Je vois alors leur visage s'illuminer. Ils me demandent s'ils peuvent venir prendre l'eau chez nous et laisser la seringue dans notre frigo... "Pas de problème!"

       C'est le cœur en fête qu'ils sont arrivés le lendemain avec du vin et des gâteaux. Grâce à notre bloc sanitaire ils peuvent régulièrement venir prendre leur douche; et puis comme nous ne sommes pas toujours là, surtout les WE, nous leur avons confié le double des clés de la cuisine au cas où il n'y aurait personne...

     Eh bien frères! Moi je dis que c'est un coup de l'Esprit saint parce qu'il a entendu notre désir d'ouverture et il nous a donné de le vivre...

     Un lien fort s'est maintenant établi entre eux et nous. Ils viennent encore prendre leur douche, nous saluer et prendre des nouvelles les uns des autres : "Et Paul-André ?, et Christian ?, ils travaillent ?..."

      Ils ont beaucoup travaillé pour rendre leur terrain viable, installant douche et WC même s'il n'y a pas encore d'eau. Depuis une semaine ils ont l'électricité... La clé de la cuisine est revenue à sa place. Elle symbolise l'entrée des uns et la sortie des autres, la clé de la rencontre!