Fraternité de Beni Abbès (Algérie)
Henri, Bernard, Yvan PFJ
Yves, de la fraternité de Spello (Italie), responsable de la Région Méditerranée,
dont fait partie la fraternité de Beni Abbès,
et José Luis, de la Fraternité Centrale à Bruxelles,
ont pu visiter ensemble la fraternité de Beni Abbès.
Diaire de visite d' Yves
Depuis plus de deux heures l’asphalte se déroule sur le plateau
pierreux, s’aventurant entre les collines, passant des oueds à sec, se
faufilant entre des falaises rocheuses, traversant des hameaux; notre
autobus semble jouer avec cette route, se divertir à courir à grande
vitesse sur ce ruban noir ; nous sommes partis de Béchar, José-Luis et
moi, accompagnés par Bernard qui est venu nous accueillir à la gare
routière...
Le soleil tape sur les vitres, il fait chaud,
les passagers sommeillent, un bébé pleure et son frère, de quelques
années plus grand, trouve refuge sur les genoux de Bernard... Cette
image me revient à l'esprit le soir même, quand on lit le passage de
l’évangile de Marc où Jésus nous demande d’accueillir les enfants comme
Lui les accueille et nous accueille.
Et
voilà ! Chaque fois c’est la surprise ! D’un seul coup, du sommet d’un
dos d’âne, on "les" voit qui viennent à notre rencontre; dans la brume
poussiéreuse de l'après-midi, s'imposent à l'oeil d’abord une pointe
puis deux, puis trois, et peu à peu je devine déjà toute la couronne
qui enserre le village et son plateau; elles sont baignées par le
soleil qui fait ressortir leur couleur ocre sur l’azur du ciel; "elles"
sont là au rendez-vous, fidèles comme des veilleurs, pour accueillir le
visiteur, comme les gens du désert, les dunes, une des merveilles de
Beni Abbès!
Ces dunes étaient chères à Xavier Habig. Il aimait y porter ceux qui
venaient passer un temps en fraternité! Notre dernier partage nous
l’avions fait au sommet de la "grande dune"; il m’avait parlé de
lui-même, de son cheminement, il m’avait ouvert son coeur. C’est peut
être pour cela que cette année, elles me parlent tant dans leur silence
qui semble un éternel présent, me faisant me souvenir de cette
rencontre fraternelle! Xavier, j’y ai pensé fortement aussi quand au
"Km 15" on prend la route pour Beni Abbès; cette route fatale, sur
laquelle il a fait son passage ! Nous avons bien sûr reparlé de lui en
fraternité, et puis sa tombe est là dans le silence de la cour !
La chapelle que tu aimais parle aussi de toi,
Xavier. Tu es toujours bien présent ! On a prié cet hymne un soir et
j’ai trouvé belles et évocatrices ces paroles :
"Ta rencontre est le banquet de mon espérance…
Verse une goutte de ta tendresse, le désert alors se transformera.
Donne à mes yeux une larme qui me fera découvrir l’enfance…."
Henri et Yvan nous accueillent à la descente du bus, et ensemble on
rejoint l'ermitage tout proche. Pendant qu'on parle du voyage et qu'on
se rafraîchit, Bernard, qui est plus chargé des relations avec
l'Administration, va déclarer que nous sommes arrivés et accomplir
toutes les formalités. Il refera la même chose à notre départ, comme
pour chacun des hôtes qui s'arrête chez eux !
Deux semaines, c'est le temps qu'a duré mon
séjour : ça passe vite, surtout qu’ici, le temps semble seulement
rythmé par les appels à la prière qui se répètent invariablement chaque
jour et à chaque saison, faisant oublier si nous sommes lundi ou samedi
!
Ensemble, nous avons partagé le quotidien, tout
en prenant du temps le matin, après la prière et le petit déjeuner,
pour un partage sur un argument ou un aspect de notre vie; chacun
s’exprime, chacun est écouté, style révision de vie, sans trop de
discussion. On trouve aussi des moments plus personnels de partage.
Rien de bien particulier, sinon que chaque jour est un don nouveau à
accueillir dans la fidélité.
Ensuite, chacun va à ses occupations, qui au village pour les courses
et préparer le repas, qui pour une petite réparation dans la maison
d'une famille amie, qui dans les jardins pour récolter fèves, radis,
navets, salades, oignons, pommes de terre, les premières tomates,
etc... Dans la fraîcheur matinale du jardin, il faut prendre un peu de
temps pour accueillir les femmes qui viennent chercher quelques légumes
pour préparer à manger à la famille, ramasser un peu d’herbe pour la
chèvre, ou tout simplement pour échanger deux paroles. C’est maintenant
la saison où les palmiers fleurissent, aussi chaque matin il faut
guetter les nouvelles fleurs femelles qui se sont ouvertes dans la
nuit, pour aller y déposer un rameau de fleurs mâles, et ainsi être
certain que la pollinisation se fasse dans les meilleurs conditions
possibles car la qualité de la récolte en dépend. Il faut préparer
aussi les "tables" pour semer, car les salades partent vite. Un autre
travail important est celui de l’arrosage : savoir gérer l’eau et
organiser le roulement pour que chacun ait sa ration nécessaire entre
cultures et palmiers, c'est tout un art et un savoir faire.
J'aime le jardin au matin quand l'air est encore
frais et tout empli du parfum délicat des fleurs des palmiers dattiers.
Comme c’est beau et bon aussi de voir courir l’eau dans les petits
canaux qui se divisent peu à peu pour pouvoir distribuer à chaque
plante ce qu’elle a besoin… Pour moi c'est l'image du don de la vie qui
irrigue chacun quotidiennement, avec générosité!
Il y a toujours beaucoup de personnes qui se
présentent chaque jour pour visiter l’ermitage : le frère qui est là à
ce moment propose une visite commentée des lieux, plus ou moins longue
suivant les questions qui viennent, et l'intérêt des personnes.
Beaucoup de gens du nord viennent découvrir les beautés et richesses de
leur pays.
Vers midi, on entend souvent frapper à la porte : et
voilà que la porte s’ouvre… ainsi que la table, avec beaucoup de
simplicité et de générosité, pour celui qui arrive à l'improviste!
Cette année il y a un noviciat chez les Petites
Soeurs de Jésus, nos voisines. Chacun des frères a été invité à
apporter sa petite contribution pendant le temps du noviciat, chacun
suivant ses dons, et l’eucharistie du soir est bien animée, Bernard se
régale en musique, car il y a du répondant !
La situation des divers pays du Maghreb est suivie avec attention et espérance.
Même si Beni Abbès est maintenant une petite
ville toute éclairée, avec des rues nouvellement asphaltées et une
nouvelle piste d'aviation… depuis l’ermitage, les nuits sans lune
permettent encore de contempler le ciel où sont semées à pleines
poignées, par un jardinier généreux, des étoiles par milliers, qui
regardent en silence : un spectacle qu’on ne se lasse pas de contempler
!
Il me faut penser au retour ! Si tout va bien : 16
heures de bus Béni- Abbès/Alger, puis 2 heures d’avion séparent Alger
de Rome, et enfin 2 heures pour faire Rome/Spello.... et on est
toujours en "Région Méditerranée" !
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