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Fraternité de Beni Abbès (Algérie)
Henri, Bernard, Yvan PFJ

    Diaire de Bernard
Bernard
    Je voudrais vous partager un regard particulier sur notre vie ici à Beni Abbès. Vous devez savoir que nous faisons partie d'un des plus grands diocèses du monde, avec ses 2 millions de Km². Nous avons un évêque Père Blanc qui a vraiment du mérite et qui, malgré son âge se déplace beaucoup pour visiter les communautés éparpillées dans son vaste diocèse : de Ghardaïa à Tamanrasset après être passé par Touggourt et Ouargla ; de Adrar à Aïn Sefra en passant par Timimoun et Beni Abbès… et sur la route du retour par El Abiodh. Je vous laisse le soin de regarder la carte du désert algérien pour vous rendre compte des distances que Mgr Claude Rault parcourt en autobus quand il est seul, ou en voiture quand il est accompagné. Vraiment il peut dire : ''le désert est ma cathédrale'', titre du beau livre qu'il a écrit.

    Notre évêque se déplace dans son diocèse, car c'est un homme de terrain et non pas un bureaucrate. Mais une grosse partie de ses déplacements se font aussi en dehors des frontières de sa juridiction. Il va chercher du renfort : des "volontaires laïcs" pour assurer les services ou bien des "communautés religieuses" pour maintenir encore pour quelque temps des maisons occupées par des communautés qui ne peuvent plus continuer leur présence, vues leurs âges et leurs pépins de santé.

    Voilà déjà quelque temps que notre évêque nous a demandé : "dites moi franchement si vous, Frères de l'évangile, vous avez les moyens d'assurer la continuation d'une présence à Beni Abbès ?" Évidement nous lui avons répondu que "non". Oui, il suffit de regarder combien nous sommes, notre moyenne d'âge, notre capacité de nous adapter au climat, à la langue, à la culture après une vie qui nous a demandé souvent beaucoup d'énergie.

    Le temps est venu de vous dire à voix haute ce que je pense tout bas depuis déjà un certain temps. Plus je vais de l'avant et plus je rends grâce d'avoir rencontré sur ma route ce magnifique chemin de fraternité à la suite de Frère Charles. Une spiritualité magnifique qui a donné un sens à ma vie avec les autres, qui m'a permis de vivre des choses invraisemblables vu mon tempérament timide et trouillard. Cependant tout en constatant que nous allons lentement mais sûrement vers l'épilogue de notre itinéraire, je ne me sens pas triste pour autant. Je ne trouve pas triste de penser tout simplement à la mort. C'est dans la nature des choses que de naître, de devenir adulte et de vieillir pour enfin mourir un jour. François d'Assise ne parlait-il pas de "notre soeur la mort" ? Pourquoi les religieux, et même les congrégations religieuses, devraient-ils échapper à cette logique ? La mort n'est pas la négation de la vie, mais une de ses composantes essentielles. Pourquoi la vieillesse et la mort ne devraient-elles pas dire quelque chose de neuf ?

    Attention, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas : les regardants, les postulants, et les novices sont les bienvenus chez nous, mais selon moi il serait bon de leur faire constater bien clairement qui et combien nous sommes, quel âge nous avons... Et si malgré tout cela ils insistent… alors merci !

    Je suis convaincu que l'important c'est l'évangile, c'est Jésus, le reste a de moins en moins d'importance pour moi. La vie religieuse a souvent été présentée comme le "summum" de la vie chrétienne. On peut très bien être religieux et ne pas avoir une vie évangélique. Les religieux n'ont pas toujours existé, et l'Eglise n'en était pas moins Eglise pour autant.

    Quant à la fraternité de Beni Abbès, nous la laisserons un jour, d'ailleurs même Charles de Foucauld en est parti. Peut-être même que d'autres religieux ou prêtres ne viendront pas vivre ici. Peut-être que l'ermitage deviendra une mosquée ou une école coranique ... et alors ! Bienvenue à ceux qui nous ont accueilli pendant si longtemps. Ce n'est pas la fin du monde et cela n'enlèvera pas le bonheur que nous avons eu à vivre ici tout simplement "la fraternité".

    Il sera alors temps de nous joindre à Siméon (évangile de Luc) pour dire : ''Maintenant, ô Maître Souverain, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix ; car mes yeux ont vu ton salut, celui que tu as préparé à la face des peuples !''

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*Notes



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