Fraternité de Roquetas de Mar
(Espagne)
( Juan Francisco, Juan, André)
Diaire de Juan Francisco
Comme vous l'avez appris par le dernier
diaire d'André, nous avons changé de maison : nous avons laissé la
"Calle don Quijote" qui était plus ou moins au
centre-ville, et nous sommes partis à l'extrémité de
l'Urbanisation, entre "las Marinas" (où André est
vicaire) et la "paroisse du port".
Après 3 ans, nous constatons qu'il y a
eu un progrès dans la connaissance du quartier surtout de ceux qui y
vivent de manière permanente. Il y a des personnes très diverses :
médecin argentin avec femme et enfants dans notre bloc,
personnes à la retraite, quelques marginaux, dont l'un, qui habitait
dans notre rue, est accueilli en ce moment dans la maison d'accueil
qui a été ouvert par les sœurs dominicaines de la Présentation dans
le quartier des "200 viviendas". C'est un de ceux que je
connais le plus parce que je le voyais dans le quartier une fois par
ici, une fois par là, recherchant sa ration d'alcool. Maintenant
qu'il est dans la maison d'accueil, j'aurais l'opportunité de mieux
le connaître.
Quand je suis dans ma chambre avec les
2 grandes fenêtres coulissantes qui donnent beaucoup de lumière, je
vois les enfants qui jouent (au ballon, avec la bicyclette, avec les
patins, etc.). Il y a aussi le kiosque du quartier qui est un lieu de
rencontre pour les gens simples dont certains, pour une raison ou
pour une autre, sont assez seuls : beaucoup viennent "d'ailleurs"...
mais il y a aussi des gens du pays. On y vit des moments de grande
familiarité.
Avec les dernières 3 années de crise
économique, on peut voir aussi dans le quartier certaines personnes
(surtout des émigrants africains, marocains, roumains, etc.), qui
cherchent dans les poubelles des choses qu'on pourrait recycler : ils
se déplacent à vélo ! Dernièrement j'ai vu un net progrès : un
marocain a accroché, derrière son vélo, une grande caisse sur des
roues afin de pouvoir recueillir le plus possible (sa caisse a plus
d'un mètre cube de capacité).
*
Autre événement de notre fraternité
: André a été opéré de la prostate. Il s'agissait d'une petite
tumeur maligne, qui est sous contrôle. L'intervention a eu lieu à
l'hôpital de Torres Cardenas à Almería. L'opération fut positive,
mais le 26 décembre, nous avons dû le conduire aux urgences de
Roquetas. De là, ils nous envoyèrent à l'hôpital de Torres
Cardenas où il fut hospitalisé, et il y est resté jusqu'à la fête
des Rois. Cela pour dire que nous avons passé la fin de l'année à
l'hôpital... Nous avons aussi célébré l'anniversaire d'André à
l'hôpital... Et enfin, comme cadeau des Rois, le 7 janvier, il a pu
sortir et revenir à la fraternité. Ce fut une expérience de passer
les fêtes de Noël à l'hôpital !
Maintenant André va bien, il n'a pas
eu besoin de chimiothérapie ni d'autre chose, ce qui indique que les
choses vont bien.
Il y eut aussi le 25e anniversaire de
l'ordination sacerdotale d'André. Nous l'avons célébrée à la
paroisse de "las Marinas" avec la présence de Miguel, le
curé de Roquetas, de Yves, notre régional, des amis de la
fraternité, et des gens de la paroisse. Miguel a félicité André
pour ses 25 ans de service à l'Eglise et lui a souhaité de pouvoir
célébrer les 50ans de service à "Las Marinas", si Dieu
veut. Après la cérémonie, nous avons eu un repas très festif et
fraternel.
*
Pour ce qui concerne Juan nous avons
aussi des nouveautés étant donné que depuis juin 2011 il est à la
retraite. Il a pu avoir la retraite anticipée à 58 ans, parce que,
avec son handicap, il avait suffisamment d'années de cotisation.
Cela signifie pour lui une nouvelle vie, et il lui faut trouver un
nouvel équilibre entre prière, travail bénévole, rencontre avec
les gens du quartier, service au site Web de la famille Foucauld en
Espagne, comme à celui de la Fraternité.
*
Il y a eu aussi des changements dans ma
vie : vraiment la vie est un changement continuel ! Si ces
changements vont dans la direction de ressembler plus à Jésus,
notre Maître, je pense que c'est bien... et que le Seigneur utilise
tous ces événements pour nous faire croître chaque jour dans cette
direction.
A partir de mes 52 ans, on m'a accordé
une allocation spéciale : subsides pour les "seniors" d'un
certain âge, accordés à condition d'avoir assez d'années de
cotisation comme travailleur agricole. Cela donne le droit de
travailler encore dans les champs. Mais on t'enlève de l'allocation
les jours que tu travailles : plus tu travailles, plus on t'enlève !
À cette époque, je suis passé du
travail dans les serres au travail à l'air libre dans des
plantations d'orangers et de mandariniers. Au début, j'ai passé 3
ans, en travaillant 3 jours par semaine, à Huercal Overa, un village
à 150 km de Roquetas. Comme à la fin de ce temps le propriétaire
voulait vendre la plantation, j'ai cherché ailleurs et j'ai trouvé
le même genre de travail dans une ferme de 5 ha d'orangers et de
mandariniers, à Gador. L'ambiance était différente, et le village
se trouvait seulement à 30 km de Roquetas. La ferme est entourée
d'autres plantations d'orangers et de mandariniers (mais aussi
d'autres types d'arbres), et elle est située à 2 km du village.
Toute la maison est creusée dans la montagne, les chambres comme la
chapelle. La maison sert aussi de maison d'accueil pour les retraites
et les rencontres des différents groupes du diocèse d'Almería.
Mais elle est utilisée surtout par les groupes du renouveau
charismatique, car le propriétaire appartient à un groupe d'Almería.
A Gador, j'ai fait ce travail pendant 3
ans... et il y a quelques mois, j'ai dit au patron qu'il devait
penser à trouver une autre personne plus jeune pour travailler dans
sa plantation. A mon retour de la dernière réunion régionale, le
patron m'a dit qu'il était en train de chercher un financement pour
Jorge et pour moi. Jorge est un jeune orphelin qui était dans un
centre de réhabilitation de la drogue et qui actuellement habite
dans la maison de Gador. Avec cette nouvelle, je me suis senti de
renoncer à ce travail, parce que si le patron n'avait pas assez
d'argent pour une personne, encore moins il en aurait pour deux ! De
cette manière, il me semblait plus juste que Jorge garde le travail
(et aussi le logement), et que moi, je puisse continuer à recevoir
les subsides. Cela me permettrait de ne plus passer 3 jours par
semaine en dehors de la fraternité, ce qui serait mieux pour
l'équilibre personnel et celui de la fraternité.
Mon engagement avec le renouveau date
d'octobre 2003. Une fille, qui appartenait à la Fraternité
Séculière Charles de Foucauld et qui participait aussi au groupe du
renouveau de notre paroisse, m'a invité à prier avec elle et avec
son groupe. Je pensais que la prière n'allait pas me faire du mal et
j'ai donc accepté !
Après une année, on m'a demandé
d'être "serviteur" du groupe de Roquetas, cela signifiait
d'animer le groupe, de se coordonner avec les autres groupes et de
pousser pour que chacun assume les dons et le charisme que le
Seigneur lui a faits pour les mettre au service de la communauté. Et
voilà qu'après 2 années, les serviteurs des groupes m'ont élu
pour le service de coordination des groupes de prières d'Almería.
C'est le même type de service, mais au niveau du diocèse, ce qui
implique quelques réunions avec les coordinateurs de Málaga,Jaén
et Granada.
Les personnes qui composent les groupes
sont assez variées : retraités, travailleurs, chômeurs, sains et
malades (Sida, cancer, etc.), jeunes sortis de la drogue, de la
prison. Mais il y a quelque chose quinous unit : la rencontre avec le
Seigneur Jésus, vivant et ressuscité au milieu de son peuple.
Les engagements que chacun prend
dépendent de son charisme. Certains vont visiter les prisonniers, un
autre qui est médecin est volontaire depuis plus de 20 ans dans un
centre de réhabilitation pour drogués, d'autres visitent les
malades à l'hôpital, d'autres encore s'engagent dans les paroisses.
En ceci nous insistons beaucoup : il n'y a pas de croissance comme
disciple de Jésus sans engagement. Nous ne pouvons pas venir à la
prière, cherchant à être consolés, si nous-mêmes nous ne
cherchons pas à consoler les autres.
Ce temps de responsabilité comme
coordinateur m'a fait mûrir dans ma relation avec les autres, car
c'est difficile de contenter tout le monde, parce que les choses ne
réussissent pas toujours comme on le désirerait, et ceci m'a rendu
plus compréhensif avec les responsables de la Fraternité et de
l’Église, car parfois il faut prendre des décisions qui ne
plaisent pas à tous, mais qui sont nécessaires. Je comprends mieux
des décisions des frères responsables qui ont pu me blesser, mais
je sais qu'ils l'ont fait avec toute leur bonne volonté en pensant à
mon bien, et pour cela je les remercie... et en plus, cela a servi à
ma propre croissance. Comme on le dit très bien : "le Seigneur
écrit droit avec des lignes courbes".
Parfois on me questionne au sujet des
frères qui sont avec moi à la maison... et moi je réponds : il y a
Juan, André, moi-même... et Jésus qui est présent dans
l'Eucharistie au milieu de nous, comme un ami, un frère, un
compagnon que nous consultons quand il y a des ombres entre nous, car
Il est la Lumière du monde. L'unité et la fraternité entre les
hommes sont impossibles à réaliser, mais avec Jésus, tout est
possible !
*
L'année passée, nous avons eu la
rencontre de la Région Méditerranée à Aguadulce (Roquetas de Mar)
pendant une semaine. Le thème c'était l'émigration à Almeria,
avec la collaboration d'une sœur carmélitaine qui travaille directement
avec une Association pour l'intégration des émigrés. Les frères
de Jésus de Málaga (Paco et Miguel), et les Petites Sœurs de Jésus
de Murcia y ont aussi participé. Les réunions régionales me font
prendre conscience des valeurs de la famille dans laquelle le
Seigneur m'a mis : ses richesses et sa pauvreté m'aident à grandir
et à donner du fruit là où j'ai été planté.
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