Visite
de Giuliano (prieur) au Mexique.
Comme lors de ma précédente visite
au Mexique, cette fois aussi j’ai commencé par un pèlerinage à
la basilique de la Vierge de la Guadalupe dans la capitale, "Ciudad
de Mexico".
J’avais
pas mal de choses à confier à la Morenita (comme les mexicains
appellent affectueusement la Vierge), avant de prendre le bus pour
Ciudad Hidalgo. Partout en ville, de grandes affiches rappellent les
prochaines élections présidentielles,
puis le bus quitte la
ville et c’est la campagne… et enfin, après trois heures, on
voit les belles montagnes qui entourent Ciudad Hidalgo.
Giorgio
m’attendait à la gare routière.Retrouvailles avec les frères et
les lieux. Santiago était encore en famille aux USA suite au décès
de sa maman : il rentrera dans quelques jours.
*
Le dimanche, messe
à Los Pozos
et joie de retrouver beaucoup de nos amis. Deux surprises m’attendent
: la première, c'est que Licha, la responsable de la communauté,
n’est pas là; nous l'avions surnommée notre "évêque".
Elle est mariée et vit maintenant en ville. Son absence se fait
sentir. La seconde, c’est que le curé a décidé de suspendre tous
les ministres de l’Eucharistie femmes ! Or ici, à Los Pozos,
c'était justement une jeune fille. Un signe de plus qui montre le
visage bien clérical de l’Eglise de cette région. Paco préside
l’Eucharistie. Lui et Bartolomeo se partagent entre Los Pozos et
Cerro Prieto. Ils célèbrent chacun pendant un mois dans l'une des
deux, à tour de rôle.
Je
suis arrivé une semaine avant la réunion régionale ; cela m'a
donné la possibilité de partager la vie des frères et leurs
travaux, d'échanger avec l’un ou l’autre et de visiter les amis.
Chaque
frère se consacre à un des travaux de la fraternité. Paco
est tous les matins au jardin potager qui fournit légumes et salades
pour la maison, et souvent il y en a aussi pour des amis. Paco le
soigne avec beaucoup de savoir-faire. Mario
continue son élevage de poules, dindes et oies qui passent sur la
table des frères mais sont aussi parfois vendus. Maintenant il est
aussi bien pris par la nouvelle Maison communautaire, dont je
parlerai plus en avant. Bartolomeo,
tout en étant disponible à aider les autres, soigne plusieurs
plantes qui donnent des mures, et prépare de bonnes confitures.
Giorgio
est en charge de l’entretien de la maison et chauffeur pour les
courses en ville, souvent aussi pour les besoins urgents des gens.
Par contre, Santiago
(Jay) est très
souvent en ville ou dans les communautés pour des cours d’anglais
et des moments de convivialité. Fernando
se consacre plus aux arbres fruitiers, bien nombreux et qui donnent
déjà pas mal de fruits. Il vient aussi de commencer une culture de
vers de terre. Héctor,
le novice, travaille tous les matins dans la ferme d’une famille
d’amis. En plus, chaque jour un frère assume la cuisine : Tâche
assez importante car souvent aux "7
frères"
s’ajoutent des amis.
Les
travaux sont nombreux et lourds. Par contre les santés de quelques
frères ne sont plus celles qu’elles étaient.
*
Les
frères gardent un rythme de prière-travail-relations assez
équilibré. La prière me semble être l'élément central, avec
adoration silencieuse tous ensemble le matin. Elle commence dans le
noir et est éclairée par la lumière toujours plus forte du soleil
qui se lève et rentre dans la chapelle par une grande fenêtre
vitrée. Elle est suivie par les Laudes. Vêpres le soir, et complies
avant la nuit. L’Eucharistie est célébrée deux fois par semaine,
souvent des gens y participent (et restent pour le repas). Mais comme
normalement les après-midis les frères ne travaillent pas ou peu,
l’atmosphère de prière et de silence s’étend souvent jusqu’au
soir.
Les
frères vivent bien le défi d’être nombreux (c'est peut-être la
première de nos fraternités à avoir autant de frères). Mais ce
défi est en même temps un atout pour la vie communautaire, surtout
si on considère les âges. Les frères ont un rythme hebdomadaire de
concertation et programmation, qui donne de bons résultats, et ont
révision de vie une fois par mois. Le fait que chacun à son propre
espace de responsabilité et d’activité est un autre élément
positif.
La qualité des relations avec
les gens est l’autre aspect (une grâce) qui rend cette fraternité
si attachante. Les visites réciproques, les services rendus, les
liturgies vécues ensemble, ont beaucoup approfondi les relations.
Elles sont un trésor affectif pour chacun des frères.
Pendant
cette première semaine il y a eu la visite de la communauté des
trappistines qui vivent à côté de Ciudad Hidalgo. Elles sont
venues à 14. Belle occasion pour partager avec elles dans l’amitié.
La relation avec cette communauté, où souvent les frères vont pour
un temps de retraite, a grandi en confiance.
Pendant
les visites aux amis et les partages avec les frères, deux réalités
étaient souvent présentes : l’émigration vers les USA et la
violence des narcotrafiquants. Beaucoup de familles ici ont un ou
plusieurs membres de
"l’autre
côté"
(comme on dit ici
pour parler des USA). Et beaucoup rêvent de faire le voyage, car les
possibilités de travail sur place sont presque nulles. Mais ce
voyage est devenu de plus en plus dangereux. On risque de tomber dans
les mains de différentes "familles" de narcotrafiquants
qui abusent ou utilisent les migrants et parfois les tuent (souvent
on retrouve des fosses communes) ou dans celles de la Migra (Police
d’immigration américaine) qui les déporte ou les met en prison :
dangers donc pour ceux qui font le voyage, et angoisses pour ceux qui
restent.
Et pour les jeunes
sans travail et sans avenir, qui ne partent pas, il y a toujours la
tentation d’accepter de travailler pour les "familles"
de la mafia qui offrent de fortes récompenses. Il semble qu’elles
sont de plus en plus actives dans les environs. Fernando est en lien
avec les organisations ecclésiales qui travaillent pour aider et
conseiller les migrants et leurs familles.
Les jours précédents la réunion
régionale, Chema est arrivé de Guadalajara, Jay des USA, Chepito
puis Patricio et Miguel (PFJ) du Nicaragua .
La réunion régionale a commencé par
une révision de vie personnelle suivie d’une réflexion commune
sur différents thèmes.
Nous avons parlé du chemin ensemble
avec les PFJ et l’orientation a été prise de participer à leur
réunion régionale.
Paco nous a parlé du Noviciat dont il
est le responsable, et puis nous avons écouté Héctor sur comment
il a vécu ce temps de formation et sur son séjour à Bojo.
Il y a eu aussi un partage sur comment
mieux faire connaître la Fraternité et sa spiritualité. En Juillet
se tiendra ici une semaine vocationnelle avec les Petites Sœurs de
Jésus.
Avec Mario, j’ai visité le nouveau Centre communautaire, dont il
est l’inspirateur, qui a été inauguré avec une grande fête. Il
a été construit avec l’aide de beaucoup de membres de la
communauté, grâce à un prêtre, ami de longue date des frères de
New York qui a des liens avec le Mexique. Comme pour la construction,
la gestion et les activités du Centre seront gérées par une équipe
de coordination, dont Mario fait partie avec des gens de la
communauté. La communauté est aussi propriétaire de la maison.
Je pense que cette initiative
importante l'aidera à croître comme communauté, tout en donnant,
surtout aux jeunes, la possibilité d’activités de formation et de
loisir, qui manquent tellement.
Un dimanche, nous avons tous été
invités dans la famille de mon filleul qui a maintenant presque 4
ans, pour un bon repas : joie de voir Toñito en bonne santé!…
alors que, nouveau-né, il avait failli mourir. Peu de temps après
notre arrivée à Ciudad Hidalgo, je l’avais conduit en voiture
jusqu'à une clinique où le médecin avait conseillé de le
baptiser, car ce n’était pas sûr que Toñito s’en sortirait.
Sur place, j’étais le seul qui pouvait être le parrain. Et voilà
que je découvre petit à petit qu’au Mexique les responsabilités
du parrain ne sont pas seulement d’ordre spirituel !…
Avec Chepito, Patricio et Héctor nous
avons visité la famille de ce dernier. Héctor est originaire d’une
ville à une heure de voiture de Ciudad Hidalgo. C’était ma
deuxième visite chez eux. Cette fois aussi nous avons été très
bien reçus, comme les gens d'ici savent le faire. La présence
d’Héctor, mexicain de la région, parmi les frères, a sûrement
beaucoup aidé à approfondir les relations avec les gens. Tous
l’aiment beaucoup.
Après trois belles semaines ici, j’ai
dû dire au revoir aux frères et aux amis et de nouveau j’ai
repris la route pour la capitale.
***