Visite de Giuliano aux fraternités du
sud de la France
J’ai commencé par visiter Raoul,
dans sa maison à Arles. Pendant les trois jours passés avec lui
j’ai pu apprécier la profondeur de ses nouvelles relations avec le
monde des Roms. Raoul garde de nombreux contacts avec les marocains,
mais il est maintenant très proches aussi de ces gens du voyage qui
sont venus de Roumanie et que l’on peut voir partout dans les
autres pays d’Europe. En Arles, ils "squattent" dans des
maisons abandonnées et s’adonnent à leurs activités
habituelles : "manche" et ferraille. Toujours menacés
d’expulsion, leur situation est des plus précaires. J’ai eu la
forte impression qu’ils ont grande confiance en Raoul, qu’ils
appellent "papa", et se sentent chez lui comme chez eux.
Raoul les visite et les aide par de multiples coups de main, et en
particulier en utilisant les services existant comme le "Restaurant
du cœur" et le "Secours Catholique".
Ensemble nous avons passé une belle
journée aux Saintes-Maries de la Mer. Visite aux Petites Sœurs de
Jésus et repas avec le nouveau curé. Tous sont proches des gens du
voyage qui ont ici un de leurs hauts lieux de pèlerinage. À part
les nombreuses visites aux familles Roms, je voudrais mentionner
aussi celle que j’ai faite à une communauté de religieuses
sénégalaises présentes en Arles depuis peu, mais déjà bien
insérées et actives. Le samedi, promenade au marché où il n’est
pas facile d’avancer car Raoul est arrêté par des connaissances
tous les 10 mètres. Le dimanche, nous étions invités au baptême
d’un enfant Rom et à la fête qui a suivi : riche en musique
et en boissons.
Ce que Raoul vit avec ses amis est
étonnant, et le fait de le vivre seul lui donne une profondeur
particulière. Il y a comme une disponibilité à être "adopté"
par le milieu, qui serait différente s’il vivait en fraternité.
Les frères de La Roque sont ceux qu'il rencontre le plus
fréquemment.
*
Avant que la fête du baptême se
termine, Raoul m’a amené en voiture à La Roque d’Anthéron. Dès
le lendemain les frères m’ont fait découvrir la réalité de
cette fraternité et leur cheminement depuis la fondation. Les
dialogues avec chacun ont eu comme cadres les chemins des collines
environnantes (fleuries en ces débuts du printemps), la vieille
Abbaye de Silvacane ou un bistrot. Nous sommes en Provence. Le
cheminement de cette fraternité et l’élaboration de son projet a
été laborieux. Cela ne s’est pas fait sans souffrances, et a
demandé beaucoup de patience et des remises en cause aux différents
frères. Mais maintenant, Christian, Yves et Paul-André sont arrivés
à assez de convergence pour vivre le présent et regarder le futur
de manière plus positive.
Leur projet de fraternité tourne
autour de l’insertion, le travail de chacun et l’accueil. La
présence au monde des personnes âgées (Christian et Yves), de
certains groupes de réflexion (Paul-André) et des gens du voyage
(Yves), sont aussi des réalités importantes, acceptées et portées
par tous. L’accueil est proposé et organisé en 4 week-ends par
année; mais il y a aussi tous ceux qui viennent pour un temps de
solitude, pour des sessions ou bien des groupes de la région qui
viennent pour une journée.
Bien souvent l’élaboration du projet
commun comme la vie fraternelle nous demandent beaucoup d’énergies.
Approfondir l’insertion et avoir un travail ou une activité où on
se sent à l’aise aident dans ce processus : ce sont probablement
des étapes préalables.
Je crois qu’à La Roque, avec
beaucoup de générosité de la part de tous, des pas importants ont
été accomplis dans l’acceptation des différences et des besoins
de chacun.
*
Michel, dans sa disponibilité
habituelle, est venu me prendre à La Roque pour me conduire à
Nyons. On a ainsi passé quelques heures dans la beauté des routes
de Provence tout en dialoguant. En cours de route on a même visité
l’Abbaye de Sénanque, austère et belle.
A Nyons il y a maintenant trois frères
vivant ensemble : Michel, Jean et Roger (ces derniers étant
revenus du Cameroun à la fermeture de la fraternité du Mayo
Ouldémé). Puis il y a Alain en foyer-logement et Pierre en maison
de repos. Les cinq forment la fraternité de Nyons. Il me semble que
cela est remarquable. Pour Michel et Alain, les plus stables ici, ce
n’est pas facile de recommencer chaque fois avec de nouveaux
frères. Tout en vivant une belle insertion dans la ville et dans la
paroisse, Nyons a permis à Jean et à Roger de se réinsérer en
Europe après de longues années en Afrique. En passant seulement
quelques jours avec eux, j’ai pu sentir combien tous les frères
sont très aimés et combien beaucoup comptent sur eux.
Ici aussi, bien sûr, on dépense
beaucoup d’énergies pour la bonne entente fraternelle. Et c’est
toujours à recommencer. C’est un défi, surtout qu’avec l’âge
on ne s’améliore pas, mais peut-être on peut y découvrir aussi
une grâce. En acceptant l’autre tel qu’il est, nous pouvons
rendre la vie fraternelle plus heureuse. Mais même avec nos
difficultés, je vois que le gens, à Nyons, perçoivent notre vie
ensemble comme un exemple et une inspiration.
Roger est le seul à avoir un travail,
même si à temps partiel. Le reste du temps il est assez pris par
des services d’ordre pastoral dans la zone. Mais, même s'ils sont
à la retraite, Michel et Jean, selon leurs capacités, ne restent
pas sans rien faire. Ce serait intéressant de compter le nombre de
personnes que Michel visite ou auxquelles il rend un service, sans
parler du jardin et des animaux, ou à combien de personnes Jean
adresse la parole pendant ses promenades.
Henri, un ami des frères avec Michel
Pierre vient pratiquement tous les
jours à la fraternité, et Alain très souvent, pour célébrations
et repas. Et chacun des deux a son rayonnement particulier grâce aux
visites qu’ils font ou aux activités auxquelles ils participent.
Quelques jours avant mon arrivée, le
propriétaire de la maison où habitent les frères est décédé.
Comme son fils veut vendre la maison, les frères sont à la
recherche d’une solution alternative. Une piste s’est ouverte du
côté de la paroisse. Après tant d'années, les chrétiens sont
désireux de voir les frères pouvoir continuer leur insertion parmi
eux.
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