Diaire de Julius (
fraternité de Olorien, Arusha, Tanzanie )
Je
vous écris cette lettre dans les hauteurs et les profondeurs de la
grande joie d'accomplir mes trente ans. Mon désir d'être religieux
a commencé il y a douze ans quand j'étais catéchiste et leader de
jeunes dans mon église locale. J'aimais les prêtres et les sœurs.
Pour moi ils étaient les meilleurs intercesseurs pour le peuple, et
à partir de ce moment-là, le désir d'être comme eux a commencé à
se développer.
Ma
paroisse est tenue par les Salésiens. Aussi je leur ai écrit et
j'ai été invité pour un "viens et vois". Mais je ne me
sentais pas à l'aise avec eux, mon désir n'était pas comblé. J'ai
reçu un livret sur les Petits Frères par un frère avec lequel
j'étais en recherche. Je suis arrivé à Nairobi en mai 2008 et j'ai
été accueilli chaleureusement par les frères Gustavo et Lukas.
Alain est arrivé plus tard.
Comme
les pages d'un livre, comme les scènes d'un film, la vie des Petits
Frères a commencé à prendre forme en moi, même si au début cela
a été assez compliqué. Je voyais une grande différence avec les
autres groupes religieux que je connaissais. Des frères vivant avec
les gens au cœur d'un bidonville, au cœur d'un village ! Gustavo
aidait les alcooliques à l'école Akiba tout en travaillant comme
menuisier à Kivuli. Alex et Lukas étaient bien occupés avec le
groupe Uzima. J'étais ému par l'unité des frères et de voir
combien les gens les aimaient. Sans faire de différence, chaque
visiteur était accueilli directement à l'intérieur de la
fraternité… pas besoin de prendre un rendez-vous !
Je
suis parti à Mlangareni en avril 2009. C'est ici que mon désir
commença à être comblé. J'ai rencontré Alex, Yesudas, Linus et
Filipo. A cause de mon histoire, j'avais des habitudes qui avaient
besoin d'être corrigées. Grâce à Dieu, les frères m'y ont aidé.
J'avais tendance à vouloir modifier toutes les choses qui
m'apparaissaient différentes de la manière dont je pensais qu'elles
devaient être. Par exemple, la culture des gens d'Arusha, la manière
de célébrer les dimanches, l'administration du village, les écoles
primaires et secondaires…
Des
frères, j'ai appris à apprécier les autres comme ils sont, avec
leur propre manière de vivre. Je suis un extroverti par nature et
par éducation. Souvent je suis tenté de dominer le dialogue, et à
cause de cela souvent je finis par fatiguer mes frères. Mes frères
m'ont conseillé d'essayer de donner une chance aussi aux autres.
Je
remercie le Seigneur d'avoir fait des progrès. Joji et Gustavo ont
été avec moi épaule contre épaule depuis mon postulat jusqu'à la
fin de la première année de noviciat. Tout n'a pas été facile
pour moi, car j'étais seul pendant la plus grande partie de ma
formation. Ma vie de prière a continué à s'approfondir petit à
petit. J'aime la prière d'adoration. Pour moi, c'est comme dans un
hôpital ou un poste à essence : mes blessures et mes tristesses y
sont soignées et je reçois l'énergie pour avancer encore d'un
kilomètre. Le "Jésus" d'il y a dix ans est bien différent
du "Jésus" de maintenant. Il n'est ni un juge ni un chef,
il est le Seigneur aimant, toujours disposé à m'écouter, me
rassurer et me conforter. Les nombreuses retraites et les nombreux
séminaires auxquels j'ai participé m'ont beaucoup nourri. J'en ai
beaucoup profité aussi bien physiquement que spirituellement.
L'ermitage est comme une "sœur" pour moi où je peux me
retirer même si le temps est trop court. La prière contemplative
est en train de prendre racine en moi rapidement.
Pour
la deuxième année de noviciat j'étais venu à Arusha (Olorien),
avec Lukas, Yesudas et Alex. Je travaille dans un chantier de
construction à l'hôpital d'Arusha. Ce que j'y vois m'invite à la
prière. C'est un hôpital avec beaucoup de mouvements, souvent il y
a du monde qui pleure et qui crie à cause de la mort d'un être
aimé… Mais quelques minutes après, d'autres personnes se
réjouissent de la naissance d'un enfant : un fils est né et ils
remercient Dieu ! Et soudain voilà la sirène d'une ambulance qui
arrive avec toutes les lumières allumées… Les gens laissent
passer la voiture : Une personne très malade est déposée sur un
brancard et conduite à la réception : perfusion, oxygène,
injections… Après une semaine elle va mieux et peut quitter
l'hôpital en remerciant Dieu. Je regarde tout cela depuis une
fenêtre du premier étage et je me questionne : Suis-je différent
d'eux ?
J'ai
trouvé que la vie communautaire c'est quelque chose de pas du tout
facile. On ne peut pas être pareils : chaque frère se retrouve avec
sa nationalité, sa culture, son tempérament, ses goûts. Ce que
j'ai appris avec mes frères, surtout à Olorien, c'est de mûrir en
acceptant les limites de mes frères : que c'est difficile de changer
! Il y a des domaines dans lesquels certains changent facilement,
tandis que d'autres n'arrivent pas à changer. J'aime notre vie parce
qu'il y a un remède qui nous aide dans la vie communautaire : la
révision de vie !
Ma
vie avec les voisins est bonne, même si elle n'est pas aussi bonne
qu'elle était à Mlangareni. Je ne connais pas beaucoup de personnes
étant donné que beaucoup travaillent loin, et mes horaires ne
coïncident pas toujours avec les leurs, ce qui fait que c'est
souvent difficile de les rencontrer. Le lieu où je peux les
rencontrer c'est dans les petites communautés de base (quand je
rentre à temps pour y participer). Je me suis fait quelques bons
amis soit dans le quartier, soit là où je travaille. J'ai pu
accueillir à la fraternité beaucoup d'entre eux et j'ai pu ainsi
les présenter aux frères.
Pour
moi, la fraternité a été une école qui m'a appris beaucoup de
choses. Par exemple je me connais bien mieux qu'avant, j'ai appris
comment me relationner avec les gens avec respect et appréciation,
comment cuisiner différents plats. C'est aussi à la fraternité que
mes capacités musicales ont fleuri ! Je remercie tous les frères
pour leur soutien.
***