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Nouvelles du Cameroun
     
Notre frère Philippe était évêque de Maroua-Mokolo pendant presque 20 ans
et il avait donné sa démission depuis 3 ans.
Alors qu'il était préoccupé par les enlèvements perpétrés par Boko Haram,
voilà qu'il a appris la nomination de son successeur.


Maroua, de Philippe : « Il y a d'abord la situation inquiétante qui se crée chez nous avec "Boko Haram". Jusqu'à dernièrement, ils avaient dit qu'ils ne voulaient pas s'attaquer au Cameroun, ils avaient même demandé aux villages frontaliers de planter des drapeaux camerounais pour que leurs éléments ne franchissent pas la frontière, …mais la situation s’est compliquée et… cette fois ils ont dit clairement qu'ils se vengeraient contre le Cameroun. Peu de temps après, de fait, enlèvement de Gilberte, Gianantonio et Giampaolo à Tchéré (17 km de Maroua), et tentatives d'enlèvements ailleurs, heureusement ratées (jusqu'à présent !!!). Les forces de sécurité et l'armée camerounaise sont en état d'alerte… Les forces de sécurité gardent surtout les expatriés, chinois et français qui travaillent sur les routes et dans la prospection pétrolière, et nous... il y a des postes de garde dans toutes les paroisses où il y a des expatriés. Ici à Maroua ce sont des équipes de surveillance qui sillonnent la ville la nuit (ici à l'évêché j'ai 2 policiers à ma porte chaque nuit !).

Philippe
   Pour l'économie de la région c'est la catastrophe. Le tourisme, le commerce, les marchés... Plus personne ne veut venir vivre ou travailler ici, d'ailleurs on le leur interdit…

Pour répondre à cette situation, nous venons de tenir à Maroua un excellent "Colloque interreligieux", 2 jours, inauguré par toutes les autorités administratives de l'Extrême-Nord et regroupant les principaux imams musulmans, les pasteurs protestants et nous, chrétiens catholiques. Deux jours de fraternisation, où nous avons redit notre volonté de vivre en paix.

Et en plein cœur de tout cela, l'arrivée de notre frère Bruno, comme nouvel évêque !!!... nous serons ensemble la semaine prochaine à Yaoundé pour la réunion de la CENC, et nous reviendrons ensemble à Maroua le 13, pour préparer l'ordination épiscopale à Maroua le samedi 17 mai... On se prépare à avoir une belle journée avec 25 évêques et il y aura beaucoup de monde et beaucoup de joie. Avec bien sûr la tristesse de l'absence de Gilberte, Giampaolo, Gianantonio...

Et le 17 mai au début de l'ordination, Philippe parle à tout ce monde : "Merci à tous d’être venus participer à notre fête, à notre joie ! Merci à toi, mon frère Bruno, pour ton « fiat » qui a été ta seule et belle réponse à l’appel que le pape François t’a adressé et que le nonce apostolique t’a transmis au début de ce mois d’avril. Merci d’avoir accepté le service pastoral du diocèse de Maroua-Mokolo. Comme tu le sais, le diocèse compte près de 2 millions d’habitants : Carrefour de peuples et de langues (on en dénombre près de 50), carrefour de cultures et de religions, carrefour de paix et d’amitié. Depuis 1946, la Bonne Nouvelle de Jésus est annoncée et accueillie par beaucoup d’hommes et de femmes de nos montagnes, et de belles communautés chrétiennes sont nées et se développent. Annoncer Jésus-Christ cela veut dire chercher le bonheur des familles… aider nos familles à être des foyers de fidélité et d’amour… aider les hommes et les femmes de chez nous à bien travailler…aider nos familles à être des foyers rayonnant d’amour, envers les voisins, envers les pauvres de nos quartiers, envers les croyants d’autres religions... Hélas nous vivons, ces temps-ci, une situation que jamais nous n’avons imaginée, encore moins souhaitée. Je parle de la violence et du climat d’insécurité provoqués par des extrémistes sectaires, qui détruisent les villages, tuent des enfants dans les écoles, ou les arrachent à leurs parents, enlèvent des otages pour les vendre comme du bétail. Ils osent prétendre agir au nom de Dieu et de l’Islam. Je supplie nos amis musulmans du Cameroun de dire une parole claire et ferme pour exprimer leur désaccord avec ces horreurs, comme l’ont fait déjà heureusement les responsables musulmans de divers pays du monde, afin que s’arrête cette cruauté…

Je prie pour notre frère, notre évêque, Bruno Ateba, pour qu’il soit un pasteur selon le cœur de Dieu. Je prie pour les habitants de cette région, hommes, femmes, jeunes, enfants, musulmans, chrétiens et animistes, pour que tous trouvent le bonheur et la paix, et la joie de vivre sur cette terre que Dieu nous a donnée. Permettez-moi de prier aussi pour ceux qui nous persécutent et nous font du mal, pour ceux qui retiennent en captivité ou qui tuent leurs frères humains, leurs sœurs innocentes. Je prie pour eux, pour que Dieu change leur cœur, pour qu’ils découvrent eux aussi dans leur cœur l’amour et la joie de Dieu. Je leur demande de nous rendre notre sœur Gilberte, nos frères Gianantonio et Giampaolo. Je leur demande de rendre à leurs parents les malheureuses jeunes filles qu’ils ont capturées. Je leur demande de le faire d’eux-mêmes, simplement, par humanité, par amitié, pour éviter que des armées ne se mettent en route pour le faire à leur manière et répandre ainsi encore davantage la violence, selon ce qui semble vouloir se décider à Paris en ce moment même. Je leur demande de renoncer à la haine et de brûler leurs armes, je leur demande de nous tendre la main, pour que nous marchions ensemble, amis de Dieu réconciliés, sur le chemin de la vérité, de la justice, de la paix et du bonheur. Je leur demande de le faire pour qu’ils soient eux-mêmes en paix, pour que nous soyons en paix, et pour que la paix soit avec tous les habitants de cette région d’Afrique qui nous est si chère."

Et le 1er juin, Philippe écrit depuis Maroua : « Ce petit mot aujourd'hui pour vous dire notre grande joie de la libération de notre sœur Gilberte et de nos prêtres Gianantonio et Giampaolo. J'ai pu les rencontrer et les embrasser ce matin pendant quelques instants à l'aéroport de Maroua-Salak, avant leur embarquement en avion militaire pour Yaoundé d'où ils rejoindront, demain, l'Italie pour nos prêtres et le Canada pour Gilberte. Ils sont relativement en bonne forme mais bien amaigris ! Gianantonio, qui est prêtre de la fraternité Jesus-Caritas, m'a dit que c'était la prière d'abandon de Frère Charles qui l'avait soutenu durant ces jours difficiles. Notre nouvel évêque (Mgr Bruno Ateba Edo) qui commence son service dans cette situation, le fait très calmement, même avec humour, et tout se passe bien. Il me demande de l'accompagner dans les débuts, je le fais bien volontiers tout en "me retirant" pour bien lui laisser la place. »


Les fraternités pratiqueront l’hospitalité de bon cœur,
généreusement, dans la mesure de leurs moyens.
Les plus pauvres seront particulièrement reçus comme des amis attendus.
(de Charles de Foucauld, dans le Règlement des Petits Frères du Sacré Cœur)