CAMEROUN

Mémoires de Philippe
Sur la fraternité de Mayo Ouldémé

 

Philippe
  
   Depuis que Philippe est à Nyons, il a entrepris de reprendre les notes, écrites au long des années de présence des frères à la Fraternité de Mayo-Ouldémé, sur la culture, les us et coutumes, l'histoire des gens de Mayo Ouldémé.
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    Nous présentons quelques extraits :



Le peuple Ouldémé

    Le peuple Ouldémé constitue l’une des ethnies qui habitent les Monts Mandara, dans l’Extrême-Nord du Cameroun. Le massif Ouldémé est situé à environ 10 km au sud de Mora, et à 50 km au nord de Maroua. Ces massifs des Monts Mandara sont très habités, par des populations variées. En décrivant un cercle de 10 km de rayon ayant comme centre le massif Ouldémé, on traverse les territoires de 7 ethnies ! Chacune de ces ethnies a sa propre langue, ses propres traditions et coutumes.
 Plaine 
 Vers 1950, la population Ouldémée était évaluée à 10.000 personnes, résidant toutes sur le massif. Depuis, peu à peu, des familles se sont établies en pied-de-mont, d’autres ont émigré pour trouver de meilleures terres cultivables, d’abord dans les environs de Mora, ensuite plus au sud dans les actuelles Régions camerounaises du Nord et de l’Adamaoua. Beaucoup de jeunes partent aussi chercher l’aventure et les moyens de vivre dans les villes, Garoua, Yaoundé, Douala, et certains s’y fixent définitivement.


    Il est difficile d’évaluer le nombre actuel des Ouldémés, résidant sur le massif et émigrés. Ils sont plusieurs dizaines de milliers.
Agriculteurs, les Ouldémés cultivent principalement le mil, qui est leur nourriture de base. Ils cultivent aussi haricots, arachides, divers ingrédients pour la sauce, et le tabac. Plus récemment a été introduite la culture du coton. Le travail gigantesque qu’ils ont fait, de génération en génération, pour organiser la montagne en terrasses cultivables, fait l’admiration de tous. Ils entretiennent aussi des bêtes, poules, chèvres, moutons, quelques vaches, sans oublier les chiens !
Sere
    L’installation des Ouldémés sur leur massif actuel doit être très ancienne, peut-être les spécialistes pourront-ils un jour en préciser l’époque. Ce qui est en tout cas remarquable, c’est que les Ouldémés naissaient, vivaient, se mariaient et mouraient sur leur massif de manière entièrement autonome, sans avoir besoin d’apports extérieurs. C’est, depuis toujours, un peuple fier et indépendant. Leur seul besoin extérieur était le sel, qu’ils trouvaient parfois sur les marchés environnants, ou qu’ils remplaçaient par le "wuray", produit par de la cendre de fumier. 

    Il ne semble pas que les Ouldémés, au cours de leur Histoire, aient été inquiétés par les razzias esclavagistes qui, hélas, ont décimé tant de populations. On le comprend quand on voit que leur montagne est une véritable forteresse, difficilement accessible aux cavaliers ennemis.

    A part quelques épisodes, les Ouldémés, comme les autres populations montagnardes du Nord-Cameroun, n’ont pas eu beaucoup de relations avec les colonisateurs, allemands puis français.

La deuxième guerre mondiale, et en particulier l’opération de la colonne Leclerc qui est partie de ces régions en 1944 pour contribuer à la libération de l’Europe, a eu pour effet de faire découvrir en réalité ces populations montagnardes et de s’y intéresser. Cela a été aussi le cas pour l’Église. A la suite de missions protestantes et adventistes déjà établies dès avant la guerre, les premiers missionnaires catholiques, Oblats de Marie-Immaculée, fondent les premiers postes missionnaires du Nord-Cameroun, dont Mokolo et Maroua. Les Petits Frères et les Petites Sœurs de Jésus, s’installent quant à eux sur la rive du mayo ouldémé en 1951. La fondation avait été préparée par un voyage de frère Roger Mortier en 1950. Le frère Roger, aidé par un interprète Mandara, avait, à cette occasion, traversé à pied les massifs depuis Mora jusqu’à Mokolo, passant entre autres par les montagnes ouldémé et mada.

La fraternité de Mayo-Ouldémé

 Arrive 
  Ce sont René Voillaume et petite sœur Magdeleine qui ont personnellement participé à la fondation de ce que l’on a appelé d’abord la « fraternité de Mora ». Ils se sont installés sur les rives d’un mayo (cours d’eau) qui, chose étrange dans cette région, coule pratiquement toute l’année. Ce mayo (le mayo ouldémé) coule entre les massifs mada et ouldémé. La fraternité s’établira entre les deux massifs
. Peu à peu, dans la suite, des familles mada et ouldémé descendront de la montagne et viendront s’installer à proximité de la fraternité, formant le début d’une agglomération de plus en plus importante, qui s’appellera officiellement « Mayo-Ouldémé ». Depuis les débuts, frères et sœurs ont profondément aimé ceux qui les accueillaient, les Madas et les Ouldémés, et se sont donnés à eux corps et âme.


    C’est l’état de santé des populations qui a le plus marqué les frères et les sœurs dès leur arrivée, comme d’ailleurs aussi les missionnaires des missions voisines : épidémies, plaies, mortalité infantile. On a estimé à l’époque que 3 enfants sur 4 n’atteignaient pas l’âge de 10 ans. Cela veut dire que, quand on demandait à une maman : combien as-tu eu d’enfants ? 8. Et combien sont-ils aujourd’hui ? 2. Les deux grandes occupations des frères et des sœurs, en ces années 50, ont été : l’apprentissage des langues (mada et ouldémé), et le soin des malades, pratiqué sur place au dispensaire ou en parcourant la montagne. Très vite une grande amitié s’est ainsi créée avec la population.

Promotion humaine et évangélisation

  Peu à peu deux autres grandes préoccupations se sont fait jour : la promotion humaine et l’évangélisation. Les frères et les sœurs ont fait appel, à la fin des années 50, au CIDR (Centre International de Développement Rural). Le CIDR a répondu favorablement, s’est installé à Mayo-Ouldémé, et cela a été le point de départ de tout un travail de développement, aux plans de la santé, de l’éducation, de l’agriculture et de l’élevage. Au plan de la santé, on à organiser et développer le Centre de Santé qui continue toujours aujourd’hui. L’école, qui avait bien commencé, est passée entre les mains de l’État au départ du CIDR. Quant au développement rural, il a été bien lancé par le CIDR : culture attelée, commerce des arachides, porcherie, aide à l’émigration vers de meilleures terres, pour ne citer que quelques exemples. Le CIDR a dû malheureusement quitter Mayo-Ouldémé en 1965, mais sa présence a été le moteur de toute une activité de promotion humaine qui est allée grandissante. L’appui à l’artisanat local, vanneries, poteries et forge, a toujours fait partie aussi de cette activité de promotion humaine.


Andre    Pour organiser l’évangélisation à Mayo-Ouldémé, les Petits Frères de Jésus firent appel aux Petits Frères de l’Evangile en 1960. Le frère responsable de la fraternité a longtemps été André Brunet qui a remarquablement étudié la langue mada et a accompagné les premières communautés. Jean Bian et moi-même sommes arrivés ensemble à Mayo-Ouldémé en octobre 1965, avec la charge d’accompagner plus spécialement les ouldémés. D’autres frères ont séjourné et ont donné aux Madas et aux Ouldémés un temps précieux de leur vie.Rassemblement

    Les Petites Sœurs de Jésus, quant à elles, ont été suivies à Mayo-Ouldémé par les Sœurs de Cuneo et les Petites Sœurs de l’Evangile, puis par les Sœurs de N-D du Mont-Carmel, ensuite par les Filles de Marie et de Joseph, enfin par les Filles de la Croix.

    Des missionnaires laïcs, ont également consacré une partie de leur vie à aider nos amis. Les 10 premiers chrétiens ont été baptisés à Mayo-Ouldémé en la fête de Pâques 1968. De belles communautés sont nées et se sont développées depuis lors : la petite semence est devenue un grand arbre !

    Les Petits Frères de l’Evangile ont quitté Mayo-Ouldémé en 2008, confiant la paroisse aux prêtres diocésains. Le beau travail d’évangélisation continue et est dans de bonnes mains.