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INDE
Visite des fraternités en Inde, de Yves
Je
désirais beaucoup connaitre la réalité des fraternités en Inde :
Mylasandra où Yesudas vit avec Kumar et Mani (Petites frères de
Jésus), Tiruvanamalai où vivent Anand, Xavier et Visu (petites
frères de Jésus), et bien entendu revoir Battu, rentré dans son
pays natal à cause de sa maladie, et connaitre la maison médicale
où il est résident.
Tout
était à découvrir pour moi car c’était ma première visite dans
ce pays immense.
Ce
que je vous partagerai je l’ai reçu en grande partie des frères
qui, très attentifs, m’ont piloté, accompagné, parlé de leur
pays, des réalités de leurs milieux de vie et de leur travail, me
faisant rencontrer quelques-uns de leurs amis. Ils ont eu la patience
de me faire faire un premier pas dans la compréhension de la
diversité culturelle et religieuse de leur pays, me racontant
l’histoire de la Fraternité, m’expliquant les racines
religieuses, les dévotions, les appartenances, et me faisant visiter
quelques temples.
Donc
me voici débarquant en Inde à l’aéroport de Bangalore ! Je
fais une expérience extraordinaire, dès que je suis en face de
l’officier de l’immigration : celle de me retrouver comme un
enfant, car je ne connais ni l’anglais ni l’hindi ni l’une des
autres langues de l’Inde. Il me pose des questions qui restent sans
réponse. Puis avec un sourire de compassion me rend mon passeport
avec le visa me souhaitant la bienvenue avec un Welcome !
Yesudas,
fidèle et patient, m’attend dehors.
Dès
la sortie de l’aéroport, on est mis dans l’ambiance :
malgré l’heure (1h du matin), le trafic est intense, bruyant,
c’est un encombrement de bus, de voitures, de camions. Tout me
semble en apparence très désordonné, chaotique mais on avance. Une
multitude de ‘ritchkos’ (taxi « Ape » à trois roues)
se déplacent comme des fourmis, reines du trafic, se faufilant entre
les autres véhicules avec habileté et ruse.
Nous
arrivons à destination après plus d’une heure de voyage. La
fraternité est encore endormie. Mylasandra est un village qui est
dans la grande périphérie de Bangalore. Au matin, je suis heureux
de revoir et saluer Kumar et Mani. Je passe les premiers jours dans
cette fraternité.
Mylasandra
est un gros village qui garde encore ses caractéristiques et son
esprit villageois : les gens se connaissent, se saluent ;
il a son église et ses temples. En effet, je dis « encore »,
car la ville comme une pieuvre avance peu à peu. Depuis la
fraternité, on voit déjà de grands immeubles en construction qui
grignotent peu à peu les terres cultivables et se rapprochent du
village. Certainement que dans un proche futur l’aspect du village
va changer et son esprit aussi.
A
Mylasandra, il y a aussi de très nombreuses carrières de granit qui
creusent et vident la montagne. On utilise le granit en gros blocs
pour les fondations des maisons, en grandes plaques, pour délimiter
les terrains et aussi une fois polis, pour les revêtements des sols.
L’exploitation est rudimentaire semble-t-il, avec de nombreux
ouvriers immigrés venus du Nord. Ils habitent des baraques de
fortune à proximité des chantiers.
On
sent que l’hindouisme est présent partout et qu’il imprègne,
avec ses rites, la vie quotidienne de tout le monde, même des
chrétiens ! On rencontre beaucoup de temples : des petits,
réduits au minimum, avec une simple image et quelques fleurs au pied
d’un grand arbre, ou des plus grands nouvellement construits, ou
encore des très anciens avec une multitude de statues colorées.
Un
exemple de l’omniprésence du religieux et qui m’a frappé :
les jours avant l’ouverture d’une nouvelle école, proche de la
fraternité, les propriétaires ont fait faire des prières par un
brahman, puis on a fait passer une vache dans le bâtiment nouveau
pour le bénir.
On
voit beaucoup de femmes qui fabriquent, même dans le bus, des
guirlandes de fleurs avec une habilité et une rapidité
extraordinaire. Ces guirlandes seront achetées pour faire des
offrandes en dévotion à quelque divinité, ou par des femmes qui
les portent dans les cheveux comme parure. On en met dans le
‘richko’, la voiture, le bus pour honorer quelque divinité et
implorer sa protection, ou aux cornes des vaches… Une façon,
j’imagine, de faire plaisir à la divinité de laquelle on est
dévot. Tout semble imprégné de religieux !
Bangalore
est une ville qui reflète l’Inde d’aujourd’hui : un fort
développement technique, une croissance économique élevée, mais
qui oublie ceux qui sont en bas de l’échelle sociale.
Bangalore
s’est développée ces derniers 20 ans, grâce à des sociétés
qui ont investi dans les technologies nouvelles et dans tout ce qui
touche Internet et ses corollaires. Elle est passée de 3 millions
d’habitants à 9 ou 10 millions. J’ai lu que Bangalore est une
des villes les plus polluées de l’Inde. L’eau potable est une
denrée rare, donc une opportunité de profit pour qui la possède et
en fait le commerce, ce qui n’est pas sans inquiéter ceux qui,
comme les frères, ont des puits à proximité de ces forages en
profondeur, car ils provoquent l’abaissement du niveau de la nappe
phréatique.
Il
y aurait un peu moins de 1,4 milliard d’habitants en Inde
aujourd’hui ; 2,3% sont chrétiens : une poussière, mais ils
seraient tout de même 24 millions avec une concentration au Sud.
D’où viennent ces communautés chrétiennes ? On dit que les
premiers convertis auraient été des juifs indiens qui habitaient le
Sud, et qu’ils ont été intégrés dans la société en tant que
castes commerçantes. Ces premières communautés remonteraient à
Saint Thomas. Les chrétiens minoritaires sont en troisième position
après l’hindouisme qui est la culture dominante et l’islam (13%)
bien visible. On dit que leur nombre est en augmentation, malgré les
persécutions dont ils sont victimes surtout dans le Nord.
Comme
chaque semaine, Yesudas va visiter Battu et passe une nuit auprès de
lui, j’en ai profité pour l’accompagner. La maison, propriété
des Pères Camiliens, est gérée directement par eux ; ils sont
une belle communauté avec le noviciat. La maison est très bien,
spacieuse et l’ambiance est très fraternelle, familiale. Battu
peut profiter de tous les services : médecin, infirmier,
kinésithérapie. On voit qu’il est connu de beaucoup et aimé,
même par les élèves infirmières qui le saluent avec affection. La
nuit, il y a une personne rémunérée qui l’accompagne. Pendant
mon séjour, Battu a pu venir passer une bonne journée à la
fraternité.
Yesudas
m’a fait connaitre les Petites Sœurs des Pauvres où il travaille
trois jours par semaine. Il est employé au repassage, au bricolage
et à la maintenance de la maison ; il aide certaines personnes
pour les repas. J’ai bien apprécié l’ambiance de cette maison
et admiré l’attention des Sœurs pour leurs hôtes. Yesudas est
très content de ce qu’il vit là, et j’ai vu qu’il est estimé.
Pendant cette visite, j’ai été agréablement surpris de constater
que toutes les Sœurs me parlaient en français, en effet elles font
une bonne partie de leur formation initiale en France.
J’oubliais
de vous dire que Yesudas est un affectionné de la bicyclette ;
il ne se déplace qu’avec ce moyen, soit pour aller au travail,
soit pour aller visiter Battu. Il faut être courageux pour circuler
ainsi dans la ville de Bangalore, vu le trafic et la
pollution.Pendant mon séjour, souvent j’ai pensé à Gandhi, à
son message de non-violence, de respect de la création, de
tolérance, etc…
Notre frère Battu est décédé le 28 juillet 2019
Le
médecin, qui était avec lui au moment de sa mort, a diagnostiqué
un arrêt cardiaque-respiratoire. Tous les efforts pour le réanimer
sont restés sans succès.
Battu
a été enterré dans son pays, en Inde, dans le petit cimetière de
Mylasandra, à côté de Michel Sainte-Beuve, petit frère de Jésus.
Nous
pensons bien à notre frère en rendant grâce pour sa
vie
!
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