En préparation pour l’année du centenaire de la mort de Charles de Foucauld plusieurs nous ont demandé de penser quelque chose pour des jeunes. Il est bien vrai que nous, membre de la famille Foucauld, nous ne sommes pas des spécialistes de l’organisation de grands événements, et cette idée de faire une rencontre à Taizé avec des jeunes venant de l’Europe ne nous rassurait pas vraiment. Animer ce genre de rassemblement n’est pas vraiment dans nos cordes mais, par contre, se retrouver pour vivre ensemble en frères et sœurs, ça nous savons mieux faire. Et c’est dans cette orientation que cette rencontre s’est déroulée : au final nous étions une 50aine de la famille Foucauld parmi les plus jeunes d’Europe, et 35 jeunes se sont greffés à nous. J’ai eu le sentiment que l’on était vraiment heureux d’être ensemble et convaincu de faire parti d’une même famille. Et je crois que nous avons peut être davantage témoigné de la vie de Frère Charles par notre vie ensemble que par les différentes animations et conférences proposées. Je crois que c’est un véritable don de notre famille spirituel. En ce sens, la réflexion autour du thème de notre rencontre «crier l’Evangile au cœur du monde» a bien souligné que notre vocation dans la famille Foucauld est davantage dans un témoignage du vivre ensemble que par notre parole.

    J’ai été touché par la communauté de Taizé et le lien qui nous unissait. Nos deux familles spirituelles se connaissent peu mais une histoire commune nous a fait se rapprocher. Les frères de Taizé nous ont vraiment bien accueillis. A plusieurs reprises durant les prières ils ont fait références à Charles de Foucauld et les différentes branches de sa famille spirituelle. Il est vrai que des choix de vie assez différents nous séparent avec les frères de Taizé mais une véritable communion existe.


    Durant notre semaine à Taizé, nous étions pleinement intégrés dans ce que proposait Taizé et avec les 2000 jeunes présents à cette occasion. Nous avions seulement un temps l’après-midi entre nous pour découvrir la figure de Frère Charles. Notre groupe n’était pas tellement identifiable et visible dans cette masse de jeunes (seulement un petit sac avec le logo du Centenaire était offert à chacun du groupe … et quelques voiles de Petites Sœurs !) mais le frère Alois, prieur de la communauté de Taizé, nous fera savoir que malgré cette discrétion nous étions bien repérés. Le dernier jour à Taizé nous aurons l’occasion de faire une photo de notre groupe au milieu des autres jeunes réunis à Taizé. Sans le vouloir, cette photo a permis de donner un visage à notre groupe qui semblait être caché au « cœur des masses ».

    Je ne pourrai pas mentionner tout le monde, car chacun a eu une présence si belle dans notre groupe. Je voudrais mentionner le groupe de l’APA (Association pour l’Amitié – lieu de vie sur Paris pour des personnes à la rue avec des jeunes qui s’engagent avec eux) qui pour moi a eu une présence très signifiante. Je pense aussi à Adeeb, venu de Syrie et habitant Mulhouse, qui nous a donné un témoignage de vie bouleversant. Je garde en mémoire aussi tous ces visages rayonnants de chacun. Je remercie aussi cette petite équipe que nous formions avec Bruna, Elodie et Jean-Pierre pour préparer cette rencontre, mais qui n’aurait pu se faire sans l’investissement réel de chacun.

    Nous avions demandé au bénédictin Michael Davide d’intervenir pendant deux après-midi pour nous parler de Charles de Foucauld. Sa vision venue de l’extérieur de notre famille spirituelle m’a semblé très éclairante. Je retiens sa réflexion sur l’évolution du monachisme avec le passage du monastère (st Benoit) vers le couvent (St François) et ensuite vers la fraternité (Charles de Foucauld). Et après la fraternité … ! Michael Davide a lancé l’idée que la Fraternité allait peut-être laisser place à une nouvelle forme : l’humanité, et cela dans un retour au désert.

    Avant cette rencontre, plusieurs d’entre nous avions décidés d’arriver à Taizé en marchant. Cinq jours de marche à travers les vignes, les vaches charolaises, les mûres, le monastère de Cluny… nous séparaient de Taizé. La marche est pour moi est vrai moyen de me retrouver avec le Créateur, dans le rythme des pas, parfois le chapelet à la main, dans le silence de l’effort, sentir les parfums enivrants de tant de beauté. C’est aussi un moment privilégié pour rencontrer mon voisin de marche, trouver un pas commun et se partager avec les yeux plongés dans la création. Je garde en mémoire tous ces échanges, ces joies d’arriver en haut d’un sommet mais aussi d’arriver au camping … et à chaque fois sentir que Dieu nous bénissait par tous ses bienfaits.

    L’avenir semble incertain pour les jeunes avec notre monde plongé dans tellement de chaos que je pourrais avoir des doutes sur la bonté de Dieu et manquer d’espérances. Et pourtant je me sens invité à m’émerveiller de tous ces gestes fraternels qui existent, de ces lieux de tendresses qui s’inventent. Ils semblent parfois cachés, et pourtant ils sont si nombreux mais il me manque parfois un regard juste et aimant. Ces quelques jours à Taizé restent pour moi un signe de l’amour de Dieu et j’ai pu sentir combien la fraternité était belle.


    Et même si nous pourrions douter de l’avenir de notre famille Charles de Foucauld par le manque de vocations et de jeunes, j’ose croire que le Seigneur nous appelle à construire la fraternité et qu’il nous envoi son Esprit qui ne manque pas de souffle car : un monde fraternel est à inventer.