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Diaire de Gérard
Carbonia ( Sardaigne, ITALIE )
Gérard
a vécu à la fraternité de Bindua en Sardaigne, travaillant à la
mine, jusqu'à la fermeture de cette fraternité. Il est revenu en Europe
pour des raisons de santé, après 25 ans passés à Crateus, au Brésil.
…Je
suis arrivé ici en 2004, encore en réaction contre ce "premier monde"
que je n'arrivais pas à digérer: vouloir tout, tout de suite, sans
volonté de partager, de se solidariser et de se responsabiliser... Un
monde de superflu et de superficialité, de suffisance, de concurrence
et de compétition. Je sais bien qu'il n'y a pas que cela, mais quand on
arrive du Nordeste brésilien, cela fait un choc qu'on a bien du mal à
encaisser !...
La communauté
de "Via Marconi" a été fondée en 1978, lorsque j'attendais mon visa
pour le Brésil, avec un "groupe familial", une communauté mixte qui
comprenait un couple et une dizaine de personnes autour de trois
handicapés moteurs graves… En fait il m'a fallu rester 9 mois à
Carbonia avant de partir pour le Brésil. Depuis l'amitié n'a fait que
s'approfondir: la communauté en 25 ans s'est laïcisée, politisée,
multipliée. Elle comprend maintenant une centaine de membres avec des
responsabilités diverses, même si elle est restée centrée
essentiellement sur le service des handicapés. Et c'est là que j'ai été
accueilli comme un frère après mon accident de moto qui me laisse
encore bien "dépendant". J'entrais ainsi par la "petite porte",
handicapé parmi les handicapés, ce qui était certainement un "avantage"
à ne pas laisser perdre: je ne venais pas comme aumônier...
La communauté
a évolué: elle est composée uniquement de "volontaires" qui prêtent
leurs services gratuitement (jeunes du "service civil", objecteurs de
conscience, hommes ou femmes à la retraite...), et sont à la recherche
d'une « nouvelle société toujours possible » (Attac, Banque Ethique,
Banque du Temps, Commerce solidaire, Non-violence active, marches et
manifestations en faveur de la Paix...), une société fondée sur l'homme
et ses valeurs et pas seulement sur le marché et le profit...
Quand nous sommes arrivés avec Franco en octobre 2003, et que nous avons décidé de tenter l'expérience de la Sardaigne,
nous sommes allés voir l'évêque qui, une fois assuré que je ne
dépendrai pas du Diocèse pour vivre, m'a accueilli "ad experimentum" en
me disant que nous avions "une vocation de frontière" et que je n'avais
qu'à la vivre en lien avec la Fraternité et "l'Église locale"... En
fait, les relations avec "1'Eglise locale" sont limitées… Il n'y a
guère plus d'une dizaine de "pratiquants" dans la Communauté de via
Marconi et je n'ai célébré que 3 ou 4 fois l'Eucharistie en une année
de présence (des Eucharisties "familiales", limitées à des petits
groupes)… J'essaye d'équilibrer ma vie entre le groupe de
"via-Marconi", les amis et la solitude d'un ermitage qui se trouve à
quelques kilomètres et où je vais me "restaurer" une fois par semaine
pour une journée de retraite-silence. Comme je n'ai pas de chapelle,
j'ai obtenu de l'évêque de pouvoir tenir l'Eucharistie dans le "coin de
prière" que j'ai aménagé dans ma chambre. Comme il n'y a personne à la
Communauté entre 8 heures du soir et 8 heures du matin, j'arrive à
partager mon temps entre prière solitaire, lectures et "gardiennage"...
Avec
la communauté j'ai aussi retrouvé mes "racines": les amis de travail,
tous maintenant à l'âge de la retraite, et les "jeunes" qui, au moment
de notre départ, en 1973, étaient fiancés ou à peine mariés, ceux du
"Concile des Jeunes" qui sont maintenant proches de la cinquantaine et
qui ont des enfants à l'âge de l'université: il y a comme cela une
dizaine de couples qui n'attendaient qu'une opportunité pour se
retrouver ensemble et raccrocher... Tout cela s'est fait naturellement,
sans porter atteinte à ce qui existait. Nous avons fait un bon groupe
d'amitié qui se retrouve et "brode" autour des souvenirs (nous sommes
déjà de la génération des "vieux"), souvenirs de la mine, de la
fraternité et des frères qui sont passés...
Bon...
voilà... personne ne peut vivre sans ses "racines"... Sans contestation
possible, il est préférable qu'un frère ancien puisse vivre sa
"retraite" en continuant de partager sa vie avec ceux auxquels il l'a
consacrée. Je n'avais pas prévu de revenir à Bindua et je pensais bien
terminer ma vie au Brésil parmi les paysans du Nordeste: Le retour en
Sardaigne aura été un petit sourire de Dieu "au temps des cheveux
blancs"!
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