C’étaient des journées
chaudes. Pas seulement à cause des températures estivales à mon
arrivée. Et pas seulement à cause du Championnat d’Europe de
football. Mais aussi à cause des tensions politiques.
Je
suis arrivé vendredi soir et les élections législatives, prévues
à bref délai, ont eu lieu dimanche. Et les frères ont discuté des
dernières candidatures, des tracts de propagande et des promesses
électorales. « Je choisis la machine à laver ! » –
« Pourquoi ça ? » « Elle suit son
programme ! » Personnellement, je suis certainement aussi
intéressé par la politique. Mais ce feu français qui peut
alimenter la politique et les révolutions est un peu loin de mon
esprit.
Gianluca
nous montre clairement,
que la droite est un peu plus haute que la gauche !
Les
frères lillois racontent très régulièrement leur vie dans le
« Lien » et donc aussi dans la Lettre Blanche. C’est
pourquoi je ne souhaite pas tracer de grandes lignes, mais plutôt
partager quelques petites impressions.
Yves
M. vit à Lille depuis plus d’un an maintenant. J’ai l’impression
qu’il a trouvé sa voie et marche à son rythme. Après sa chute,
il est resté longtemps « coincé » dans l’appartement.
Ce qu’il a vécu, lors de sa chute, l’a marqué durablement. Les
gens qui se trouvaient autour de lui le soignaient avec une grande
attention. « Parfois, il faut aller au fond pour découvrir la
bonté des gens. » Après avoir pu marcher à nouveau, il s’est
lancé dans un voyage de découverte : ce n’est pas ma
chambre, ni les appartements des frères qui sont ma fraternité,
mais le quartier.
Comme
Yves est à la retraite, il peut passer plus de temps à se promener
dans le quartier et à communiquer avec ses voisins. Il peut
s’asseoir sur un banc de parc et avoir une conversation avec
quelqu’un qui s’y trouve. J’admire la facilité avec laquelle
Yves noue des contacts et la rapidité avec laquelle il a fait la
connaissance de nombreuses personnes du quartier. Un autre domaine
important est la prison. En prison, il se pose régulièrement la
même question que je me suis posée à Leipzig pendant mon séjour
en prison : si quelques petites décisions de la vie avaient été
prises différemment, le train de ma vie m’aurait conduit sur un
mauvais chemin, et… emmené en prison. J’ai juste eu un peu plus
de chance… Cette perspective m’a aidé à ne pas juger les
prisonniers. Je pouvais voir la souffrance des victimes et des
auteurs.
Yves m’a aussi dit que nous,
les humains, sommes un organisme vivant. Et c’est la souffrance qui
nous unit au plus profond de nous-mêmes. Paul nous dit : « Nous
sommes un seul corps. Et si un membre souffre, tous les autres
souffrent avec lui ». J’ai éprouvé une grande gratitude de
la part d’Yves d’avoir su trouver sa place dans un climat inconnu
et dans un environnement étranger (non plus la campagne, mais la
ville, les HLM). La communauté, avec son bon rythme spirituel et sa
révision de vie confiante, l’y aide. Et certains contacts avec les
gens de voyage se poursuivent, peut-être de manière différente.
Mais tout ce qui l’a tant façonné demeure.
*
* *
Christophe
S. travaille dans une école où les enfants handicapés sont
intégrés selon un modèle inclusif. Un professeur qualifié
enseigne les élèves handicapés, la moitié du temps. Pendant
l’autre moitié des heures, les élèves suivent des cours normaux.
Mais comme le professeur était malade depuis longtemps, les derniers
moments ont été difficiles. La méfiance des parents à l’égard
de l’école joue également un rôle négatif. La grande majorité
des parents sont issus de milieux musulmans. Les enseignants sont
très laïcs et antireligieux, ce qui crée une atmosphère
difficile. Christophe considère sa place dans un rôle de médiateur.
Sa participation à un dialogue Islamo-Chrétien l’aide également
à pratiquer une perspective médiatrice.
Le
deuxième domaine de responsabilité de Christophe est le bénévolat
pour une association qui propose de l’aide aux devoirs. Ici, les
étudiants issus de l’immigration reçoivent notamment une aide
pour se préparer aux examens. J’ai trouvé Christophe très
équilibré et je respecte sa grande fidélité dans l’accompagnement
des personnes handicapées, par exemple via les visites régulières
de Jean-Marie, qui dépend d’une aide extérieure en raison de sa
cécité.
Avec Gianluca B., nous avons
rendu visite à Gabriel M. en pleine action: il a été invité à
une fête d’association avec sa friterie mobile (Food-truck).
Gabriel
et son équipe du "food-truck"
Je
trouve toujours fascinante l’idée de permettre aux chômeurs de
faire un pas en avant vers l’emploi. Gabriel est complètement dans
son élément et la réussite de ce modèle et le plaisir de
collaborer avec les autres libèrent beaucoup d’énergie (ce qui
lui vaut de faire beaucoup d’heures supplémentaires !).
Gabriel
aime faire du bénévolat auprès d’un groupe d’habitat partagé
avec plusieurs familles et de nombreux enfants (environ une fin de
semaine toutes les six semaines). En même temps, il aime le silence
et le temps de l’ermitage, qui lui confère un équilibre
important.
Gianluca
travaille maintenant depuis 5 ans comme brancardier à
l’hôpital, ce qui lui confère un rythme stable et également de
bons contacts. Sinon, son service en tant que régional prend
beaucoup de temps et d’énergie. Il reste également fidèle à sa
grande cause de la non-violence et participe régulièrement au
“cercle de silence” ou à des actions contre la torture.
* * *
J’ai
également été invité à deux reprises avec les frères à la
fraternité PFJ Lille Sud. Les relations entre les deux fraternités
sont très belles. Le fait qu’au total 7 frères vivent à Lille et
partagent beaucoup de choses entre eux est un joli signe de
fraternité.
Régis de la fraternité Lille Sud
Le
nouveau gouvernement saura-t-il embrasser la fraternité ? Après
le premier tour de vote, nous sommes passés au deuxième tour (vous
connaissez le résultat). J’ai ressenti l’ambiance tendue lors de
mes journées à Lille. La Révolution française n’est pas encore
terminée. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour
parvenir à plus d’égalité, de liberté et de fraternité…
Andreas
Gabriel - Yves - Gianluca - Christophe