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Carte
Visite aux frères de l'Inde
(2–17 mars 2024)
Dans cet immense pays, le plus peuplé du monde (presque 1 milliard
et demi d’habitants), il y a deux fraternités de Petits Frères de
Jésus dans le sud du pays. A Mylasandra (Bangalore, État du
Karnataka), vivent Mani, Kumar et Yesudas : ce dernier (Petit Frère
de l’Évangile). A 250 kms de là, mais dans un
autre État, (le Tamil Nadu), Anand et Xavier sont insérés à
Thiruvannamalai, ville qui se trouve non loin d’Alampundi, la
première fraternité des Petits Frères de Jésus en Inde.
Bangalore, capitale de l’État
du Karnataka, est une immense ville de 14 millions d’habitants qui
ne cesse de s’étendre et de manger les campagnes aux alentours.
C’est ce qui est arrivé à la fraternité de Mylasandra. Avant les
années 2000, les frères vivaient dans un quartier populaire de
Bangalore ; ils ont désiré avoir une fraternité assez
spacieuse pour accueillir des jeunes intéressés à la fraternité
et une fraternité agréable pour des frères âgés. Ils ont acheté
un terrain dans un village en bordure de la ville de Bangalore et
construit au milieu des champs. Ils ont commencé à y habiter en
2003. Dans les conversations, on parle du “village” de
Mylasandra. C’est encore vrai, car Mylasandra n’est pas encore
intégré administrativement à la ville de Bangalore. Mais,
concrètement, la ville l’a peu à peu complètement englouti. La
maison de la fraternité est entourée et dominée par de hautes
constructions à plusieurs étages. On a beaucoup construit et les
quelques espaces encore libres ne le seront plus pour longtemps, car
on y terrasse, creuse des fondations, etc.
Le
jardin des frères reste comme un écrin de verdure : beaucoup
d’arbres fruitiers, des plants de manioc, un ermitage, mais peu de
cultures en cette saison. Il ne pleut pas, tout est sec, le puits que
les frères ont creusé ne donne de l’eau qu’en de rares
occasions. La fraternité doit dépendre de l’eau du “village”,
qui n’arrive que de temps en temps, suffisante pour les besoins de
la maison, mais pas assez pour les besoins du jardin… Les frères
parlent d’une première année de sécheresse à ce niveau-là
depuis longtemps…
À
l’origine, le village était en grande partie peuplé de chrétiens.
L’agriculture ne rapportant pas assez pour vivre, les paysans ont
vendu leurs terres à ceux qui pouvaient acheter, souvent des hindous
venant de la ville. Ainsi actuellement la population est mélangée
religieusement, principalement hindoue, avec une importante minorité
chrétienne : il y a à Mylasandra quelque 250 familles
catholiques. La communauté paroissiale parait dynamique.
Circulant
à Mylasandra – la même remarque pour d’autres quartiers, j’ai
été surpris de voir de petits mausolées un peu partout, mausolées
à une divinité hindoue ou quelquefois à un saint chrétien ou à
Marie. Des gens du quartier en sont à l’origine. La religion est
présente partout : cette ambiance religieuse m’a beaucoup
frappé. On la sent partout : les gens sont très religieux…
Par exemple, un petit fait m’a marqué lors de ma visite à l’autre
fraternité, Thiruvannamalai: Anand et moi avons été invités à un
repas chez Kumar, l’ancien bras droit de Shanti dans le projet du
centre de tissage d’Alampundi. Avant le repas, il s’est excusé,
car c’était l’heure d’offrir chez lui le “puja” (rite
d’offrande et d’adoration) à la divinité, il ne voulait pas le
manquer. Il nous a montré ensuite son coin “prière”, l’autel,
dans une petite pièce de sa maison.
Trois
frères vivent en fraternité à Mylasandra
Kumar
est le permanent de la fraternité : il y a quelques années il
a délaissé son travail à l’extérieur pour rester à la
fraternité : la maison est grande, il y a toujours quelque
chose à faire et le jardin en particulier demande beaucoup de
travail. Sa présence à la maison facilite l’accueil des gens qui
viennent pour demander un service ou pour dire bonjour…
Mani est très occupé par des
activités d’accompagnement psychologique, de conseils, de
retraites…
Yesudas travaille trois jours
par semaine dans une maison de retraite pour anciens (120 personnes)
tenue par les Petites Sœurs de Pauvres. Deux jours sont dédiés à
la couture : petites réparations pour les habitants de la
maison, confection de nouveaux habits, ajustements des nombreux
vêtements qui sont donnés pour les anciens, etc. Un jour est
consacré aux petits travaux d’entretien de cette grande maison, de
réparation du matériel, etc.
Les frères, surtout Mani et
Kumar, connaissent beaucoup de monde dans le « village ».
Ils sont très présents à la vie sociale : visites, entraide,
participation aux diverses célébrations familiales ou sociales,
etc.
L’autre
fraternité est située à Thiruvannamalai à quelque 250 km de
Bangalore, dans un autre État, le Tamilnadu. C’est une ville
célèbre à cause de son temple dédié à Shiva, au pied d’un
mont sacré. Ce temple est un des cinq temples indiens dédiés à
Shiva où il s’est révélé à partir des cinq éléments naturels
de la terre, de l’eau, de l’air, du ciel et du feu. On dit qu’ici
Shiva s’est manifesté sous la forme d’une colonne de feu…
Je
suis arrivé juste avant la “grande nuit de Shiva”, une nuit de
pleine lune, la fête de Shivaratri, la nuit où Shiva et Parvati, la
déesse, se sont unis. Cette nuit-là spécialement, on ne dort pas
en hommage à Shiva et à Parvati : il y avait une marée
humaine, pieds nus, à faire le tour de la montagne sacrée… marée
humaine aussi pour aller déposer son offrande à Shiva dans le
temple : un couple rencontré le lendemain avait dû faire la
queue huit heures cette nuit-là avant d’accéder à la divinité.
Chaque année, entre novembre et décembre, est célébré le
festival du feu. À cette occasion, un énorme chaudron de feu est
allumé au sommet de ce mont Arunachala, montagne sacrée en forme de
pyramide que l’on peut apercevoir des kilomètres à la ronde… La
nuit de pleine lune de chaque mois, des milliers de fidèles affluent
pour faire le tour du mont sacré (14 km), pieds nus, et ainsi
se purifier… Chaque jour aussi, les pèlerins sont nombreux à
marcher autour de cette montagne sacrée.
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Xavier travaille dans un centre de rééducation pour personnes dépendantes de
la drogue et de l’alcool: une trentaine de personnes sont soignées et y
restent au moins pour deux mois de cure. Anand vient juste d’arriver à
la retraite: il continue à aller travailler, deux jours par semaine, à
40 kms de là, dans un centre de réhabilitation de personnes handicapées
physiques et mentales où auparavant il était salarié. Il a beaucoup de
contacts avec la population "dalit" (hors castes, intouchables) qui est
nombreuse près du quartier de la fraternité.
Une matinée, je suis allé
avec Anand à l’ashram de au pied de la
montagne : ce sage hindou a eu une illumination à l’âge de
16 ans. « Dieu est en vous. Il n’est pas quelque chose
en dehors de vous. Toi seul es Dieu. Si vous trouvez la source de
l’esprit en vous demandant : Qui suis-je ? vous ferez
l’expérience de Lui dans votre Cœur en tant que Soi. ». Il
s’est retiré dans une grotte de la montagne sacrée pour méditer
; pendant sept ans il n’a pas parlé ; de nombreux disciples
voulant le suivre, il a fondé ensuite cet ashram. Il est mort en
1950. En entrant dans cet immense enclos fait de petits temples, de
cours intérieures, d’espaces de médiation autour des tombeaux du
sage et de sa mère, j’ai été frappé par l’atmosphère de
silence. Il y avait foule, tout le monde pieds nus : un peu
partout, des jeunes et des anciens, des enfants avec leurs parents,
des hommes et des femmes, assis en tailleur méditant.
Cela m’a
fait une profonde impression. ... La montée à la grotte où le
saint a vécu dégage la même atmosphère de silence ; à
l’intérieur de la grotte et tout autour, de même beaucoup de gens
méditant… Anand me disait qu’autrefois c’était encore plus
paisible, silencieux, religieux portant à la méditation : les
frères y allaient quelquefois pour vivre leur “journée de
désert”... Je ne peux pas m’empêcher de penser à Assise, où
la foule se presse autour du tombeau de St-François et va sur les
pentes du Subasio voir la grotte où il a aussi passé beaucoup de
temps. Quelle différence d’atmosphère. Ici pas d’agitation, de
bruit ou de curiosité ; transparaît une atmosphère religieuse
de recueillement, d’introspection et de méditation.
Anand et moi sommes allés
faire une visite à Alampundi, première fraternité des Petits
Frères de Jésus en Inde. C’est à 30 km de Thiruvannamalai,
dans le même État du Tamil Nadu. Le village a sans doute bien
changé depuis que les premiers frères s’y sont installés en 1963
Les
deux fraternités sont fragiles : les frères ne sont que cinq.
Beaucoup de jeunes ont frappé à la porte de la fraternité et
Mylasandra a été fondée entre-autre pour les accueillir et
faciliter leur formation.
Au
fil des ans, à Bangalore, des amis et des connaissances des frères
et des Petites Sœurs ont constitué un groupe informel « les
amis de Charles de Foucauld »
Dans la salle à manger de
Mylasandra, il y a sept grands portraits accrochés sur un mur :
celui de Charles de Foucauld, de Gandhi et de cinq frères décédés.
Ces frères, Indiens ou liés à l’Inde, sont tous partis
relativement récemment. C’est le même nombre que les frères
actuellement vivants et présents, et la même répartition :
quatre Petits Frères de Jésus (Anand d’origine française) et un
Petit Frère de l’Évangile…
Dans
un immense pays comme l’Inde, la présence de la Fraternité,
frères et sœurs, parait minuscule : en plus du petit nombre,
elle parait bien fragile, car le manque de vocations fait que la
moyenne d’âge augmente. Les fraternités ont bien sûr à être
porteuses du chemin d’évangile de Charles de Foucauld, qu’elles
essayent de vivre. Mais elles n’en ont pas l’exclusivité :
les chemins de l’Esprit ne sont pas les nôtres. J’ai senti à
Bangalore combien les frères et les sœurs comptaient sur le groupe
des “amis de Charles de Foucauld” qui, à leur manière, trouvent
dans la spiritualité de Charles de Foucauld une inspiration pour
vivre concrètement l’Évangile dans leur milieu
Bangalore
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