Sama


LA FRATERNITÉ DE MAYO OULDÉMÉ

Compte-rendu de la visite au Cameroun de Xavier

Fraternité Centrale, nov. 2007

Me voici de retour à Bruxelles après un mois passé au Cameroun. Les frères de Mayo Ouldémé sont en train de passer la main au diocèse de Maroua, et on a pensé que c'était bon que je vienne leur donner un coup de main.

Depuis des mois j'ai cherché à rassembler les photos de Mayo Ouldémé (j'en ai trouvées des centaines), à mettre dans l'ordinateur tous les diaires des frères et des sœurs et à numériser les lettres d'André Brunet [1] à sa famille (il écrivait presque toutes les semaines). C'est avec toutes ces images anciennes dans la tête que je suis arrivé à Mayo Ouldémé, non pour regarder avec nostalgie le passé, mais pour chercher à imaginer le futur de cette communauté.

Il y a tout juste 10 ans, Jacques [2] était venu de Terre Sainte pour assister à l'ordination de Barthélemy Yaouda, le premier prêtre Ouldémé. Il a décrit dans un très beau diaire  toute son émotion de voir le chemin parcouru par la communauté. Mais la vie continue… et celui qui vient de célébrer ses dix ans de sacerdoce est en même temps curé de la cathédrale, vicaire général du diocèse de Maroua-Mokolo et administrateur apostolique du diocèse de Yagoua !

Plus localement, à Mayo Ouldémé, j'ai retrouvé Jean et Roger avec l'abbé Mathias, un prêtre originaire de Douvangar [3] qui a été ordonné il y a tout juste un an. Ils forment un bonne "équipe apostolique" et tout le monde est à l'aise. Mathias lui-même a demandé de pouvoir découvrir progressivement les orientations données par les frères pendant les 57 ans de présence dans ce village et cette région. Pendant ces prochains mois, ils auront des milliers de choses à se dire et à partager (Roger et Jean quitteront en juin 2008).

Mais il ne faut pas oublier que dans "l'équipe apostolique"  il y a aussi "les sœurs" (les Filles de la Croix), qui sont à Mayo Ouldémé depuis 7 ans. Les responsabilités dans l'animation de la communauté ont toujours été partagées, et quand il s'agit de passer la main progressivement, c'est tout un art de respecter les capacités de chacun, tout en insistant sur les besoins réels de la communauté.

Dans le domaine de la santé il a fallu attendre des années pour que l'ensemble du Centre de santé soit pris en charge par des hommes et des femmes originaires du village. Au plan pastoral, je ne crois pas que les catéchistes sont arrivés à la même autonomie. Il sont bien présents - les 17 communautés de Mayo Ouldémé sont animées par eux avec l'aide des autres responsables… la préparation des célébrations se fait chaque mercredi… mais l'évangélisation ne relève pas du "professionnalisme", elle a ses racines dans le "témoignage".

J'ai suggéré à Koulifa [4] de célébrer les 40 ans des premiers baptêmes.  En effet, c'est à Pâques 1968 que notre frère André Brunet a baptisé les 10 premiers chrétiens de Mayo Ouldémé. Ils ne sont pas parfaits, comme tous les chrétiens du monde, mais il me semble que ce sont eux les vrais "témoins" qui donnent à la communauté une base solide. Je sens que les générations suivantes (en particulier les scolarisés) sont beaucoup plus fragiles.

Un jour je suis parti chez les Podokwos avec Roger : ce sont les plus proches voisins des Ouldémés. C'est vrai que le téléphone (il y a maintenant des portables partout) avait dit que Roger dirait la messe et que j'étais de passage… mais tout de même on ne s'attendait pas à un tel accueil. Suivant la bonne tradition, quelqu'un nous attendait sur le chemin entre le territoire Ouldémé et les terres des Podokwos. On est allé à la chapelle, et j'ai retrouvé tous les vieux amis de Yaoundé qui sont retournés maintenant dans leur village d'Oudjila. Ce va-et-vient entre la capitale et le village me semble positif même s'il y a bien des problèmes à dépasser. Certains sont devenus des moteurs de leur communauté et de leur village. Parfois la femme est descendue aussi à Yaoundé avec les plus petits, parfois elle est restée au village et a su utiliser l'argent envoyé par le mari. J'ai pu voir de très belles maisons construites sous la direction de la femme, alors que le mari envoyait l'argent qu'il épargnait à Yaoundé.

Pendant la messe, il y avait une ambiance de fête toute naturelle que j'ai rarement ressentie ailleurs de la même façon. Est-ce que le monde s'ouvrira un jour à ce que le continent africain peut nous partager ? La joie dans trois pas de danse d'une petite vieille… dans les offrandes matérielles apportées à l'autel (et même dans le coq perché sur la tête d'un donateur)… dans la nourriture partagée… dans les discussions pour agrandir l'église (on est dans une impasse et on voit tout l'intérêt des "aires de prière")…

RogerEn dehors de ces moments forts de communion j'ai passé de longues heures à reprendre la comptabilité pour permettre à l'abbé Mathias et aux sœurs de ne pas être noyés dans des chiffres ou des papiers.

Avec beaucoup de générosité, le diocèse a permis de développer les villages dans différents domaines. J'ai peur que cet héritage soit trop lourd à porter pour les successeurs, et je ne suis pas sûr que les frères se soient faits beaucoup d'amis grâce à ce type de partage. Maintenant on voudrait que ce "passage à d'autres" se fasse dans les meilleurs conditions. Ce n'est pas facile à gérer ni matériellement ni psychologiquement. Par contre, on sait combien les années de présence des frères plus anciens ont porté du fruit (Philippe et Jean sont arrivés en 1965 !).

Après il y aura l'atterrissage de Jean et Roger à Nyons… Là aussi ce n'est pas une petite histoire. Alors il me semble bon d'être attentifs à nos frères, sans oublier notre frère Jacques Wilhelm[5] qui reste disponible pour un temps, entre Foumban [6] où il résidera, et Bamenda où il donnera de temps en temps des sessions aux novices, et sans oublier notre frère évêque Philippe qui continue à Maroua au service de ce grand diocèse avec lequel nous restons bien unis.

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[1] André Brunet a vécu à Mayo Ouldémé de 1960 à 1982 ; il est décédé en 1992.

 

 

Jean

Diaire de Jean

Visite au Cameroun de Xavier(2006)

 

[2] Jacques (Njilé) est considéré comme le fondateur de Mayo Ouldémé (il est arrivé en mars 1951 mais a dû quitter le Cameroun en 1961).

[3] Mission voisine de Mayo Ouldémé.

[4] Un des premiers baptisés (ouldémé, catéchiste, infirmier au centre de santé).

[5] Jacques décèdera quelques mois plus tard en juin 2008, à Foumban.

[6] A Foumban et à Bamenda, dans l’ouest du Cameroun, il y a deux fraternités de Petits Frères de Jésus.